DANS L’AIR DU TEMPS
Pour sa chronique Dans l’air du temps, Réal Siellez s’est amusé à comparer tous les classements existants de chansons francophones pour trouver la préférée de toute la francophonie… Et il l’a trouvée, elle s’ouvre sur un piano qui s’est déguisé en boîte à musique… Et elle est signée par un grand enfant qui fête ses 69 ans aujourd’hui.
Le flash-back de la nostalgie s’est déjà mis en route sur les 4 x 4 temps qui font l’intro. Une chanson au présent qui raconte le passé d’un père qui ne se remet pas du bonheur de son enfance. Pas de chance pour vous… Cette histoire vous sera transmise par des « cordes vocales complètement naze et avec une justesse discutable »… Ce sont précisément les mots de son auteur-compositeur et interprète, un certain Renaud.
Mistral gagnant, les sens en éveil
Le bouleversement de la parentalité est toujours un ressort puissant en chanson, mais dans Mistral gagnant les prismes de lectures sont très forts… Parce que l’interprète passe par les sens qui vont forcément réveiller chez chacun de nous une histoire intime de l’insouciance… Le bonbon.
Le mistral était un bonbon français qui se vendait en sachet, une poudre acidulée qui s’aspirait avec une paille en réglisse, et qui révélait dans le fond du paquet un mot… Soit « gagnant », soit « perdant ». Eh bien évidemment s’il était gagnant il donnait le droit à un autre mistral gratuit.
Non seulement la chanson mistral gagnant est la photographie d’une époque racontée en 3 minutes 50. Mais elle dénonce le véritable meurtrier de l’enfance… Le temps qui passe.
Et la grande force de cette chanson, c’est d’évoquer ce temps par plusieurs figures poétiques : d’abord les bonbons qui n’existent plus. Ensuite, au cœur de la nostalgie, une confiserie qui porte le nom d’un vent, phénomène qui balaye tant l’atmosphère que les souvenirs.
Et puis l’idée que ce temps qui passe se joue à pile ou face entre « Gagné » ou « perdus ».
Renaud se tient néanmoins à distance du « c’était mieux avant » puisqu’il ne s’inscrit pas seulement en témoin du présent, spectateur de l’enfance de sa fille, mais précisément acteur de sa jeunesse…
Renaud, acteur de sa jeunesse
Renaud s’est toujours retrouvé en homme divisé entre ses colères et sa tendresse, son enfance et l’obligation d’être un adulte… Preuve en est la pochette de l’album « Mistral gagnant ». Une photographie de Vincent Warin qui nous montre l’interprète en bord d’étang : il tient de la main droite une canne à pêche (référence à un des titres de l’album), et symbole pendant tout une époque d’un des hobbies masculins pour devenir un homme, alors qu’il suce son pouce gauche, signe ultime du petit garçon qui ne veut pas grandir. Et s’il utilise le sens du goût dans Mistral gagnant pour revenir à ses origines, c’est parce que c’est encore une réalité pour lui aujourd’hui.
Alors que Proust, dans « À la recherche du temps perdus » part du goût d’une madeleine pour retourner en enfance, Renaud fait le chemin inverse, il nous emmène dans son enfance pour aller retrouver le goût d’un bonbon. Aujourd’hui cet enfant fête ses 69 ans… et nous passons en coup de vent dans une histoire d’amour père-fille…
Mistral Gagnant, de et par Renaud en 1985 sur l’album du même nom… C’était dans l’air du temps, ça l’est toujours.
Source : RTBF