Renaud et son double

Femina

9 juin 2002 par Jean-Philippe Bernard 

Le chanteur français revient du néant.

« Comme y’a eu Gainsbourg et Gainsbarre, y’a le Renaud et le Renard. Le Renaud ne boit que de l’eau, le Renard carbure au Ricard… » D’emblée, tandis que l’orchestre s’active sur une mélodie blues-rock, l’artiste évite l’excuse fumeuse du congé sabbatique. Absent de l’actualité discographique depuis la sortie, fin 1994, de son dernier véritable album (A la Belle de Mai), Renaud revient du néant. Ces dernières années, les rumeurs les plus inquiétantes ont couru à son sujet, et pour les observateurs le loubard au grand cœur était tout simplement fini. Contre toute attente, il revient l’année de son 50e anniversaire avec Boucan d’enfer (EMI/Virgin), l’album le plus commenté de sa carrière. Depuis quelques semaines, toute la francophonie est au courant de sa descente aux enfers. A longueur d’entretiens, Renaud révèle tout de son addiction à l’alcool et de la dépression qui a suivi son divorce. Le déballage, dérangeant, est cependant inévitable, une bonne moitié de l’opus étant consacrée aux malheurs de son auteur. Comme il l’indique dans le titre qui ouvre le disque (Docteur Renaud, Mister Renard), l’honnête Renaud s’est découvert un double, retors et déjanté : le Renard.

S’il n’est toujours pas sûr de l’issue finale de ce duel schizophrène, Renaud parvient aisément à donner le change artistiquement. Arrangé et produit avec des moyens que l’on réserve aux gros vendeurs, son ouvrage, fort bien écrit au demeurant, est traversé par sa voix fatiguée mais bien en place. L’effet, bien que d’une tristesse inouïe, rassure pourtant : ce gars-là a toujours de l’humanité à revendre.

  

Source : Le HLM des Fans de Renaud