Michel TROADEC
Vendredi 3 mars 2023
Chanson. Grâce à un élégant orchestre à cordes soutenant sa voix cassée, Renaud offre de beaux moments au public lors de sa tournée appelée Dans mes cordes.
Quelqu’un qui n’a pas vécu ces quarante dernières années en France ne pourrait pas comprendre. Il ne pourrait pas comprendre pourquoi cet homme, à la voix si cassée qu’elle oblige à prêter l’oreille, au souffle court, au visage figé, au mouvement mesuré… déclenche une telle ferveur, à Saint-Brieuc mercredi soir, (1 200 spectateurs, complet), comme pour toute sa tournée.
Il ne comprendrait pas car il ne saurait pas qu’il a devant lui l’un des plus grands auteurs de la chanson française, au style unique, dont l’univers a embarqué avec lui au moins deux générations de fans. Aujourd’hui, Renaud continue à sortir des disques parce que c’est sa vie. Mais, parce qu’il est diminué physiquement, on ne pensait plus le revoir sur scène.
Délicieux tapis de cordes
Est-ce pour Cerise (« Mon amoureuse depuis presque un an et pour toute la vie j’espère », dit-il) qu’il a pris le pari de repartir en tournée ? Il lui dédie Cœur perdu (2002) : « Cœur en miettes, en détresse, en compote/En morceaux, en lambeaux, au fond des bottes… »
En attaquant son concert par Cent ans, le chanteur montre qu’il n’a rien perdu de son humour : « Trop fragile, trop précieux/J’ai cent ans qui dit mieux… » Si son chant rauque reste très limité, l’astuce pour préserver les mélodies, c’est qu’il peut s’appuyer sur un délicieux tapis de cordes (six violons, deux violoncelles) de huit musiciennes en perfecto et bandana. Et sur un accordéon (notamment pour Germaine !) alors que le piano se fait plus discret.
Chansons immortelles
Le décor est sobre avec des ombrelles-ballons en guise d’éclairage, un rideau effilé et quelques images. Comme Renaud n’a pas vraiment de nouvel album à promouvoir, on peut penser qu’il s’est fait plaisir dans le choix des chansons à nette dominante années 1980-1990, avec cinq titres de l’album À la belle de mai et aussi quatre anciens des années 1970, dont Adieu minette et La teigne.
Dans la vingtaine de chansons présentées, quelques-unes sont moins connues, telles Tant qu’il y aura des ombres ou l’émouvante Son bleu, sur un travailleur poussé vers la retraite avant l’âge alors que son fils fait la révolution au Nicaragua. « Ma préférée », dit-il.
Avec un répertoire pareil, l’émotion déborde dans la salle, qui se lève plusieurs fois, chante, applaudit, remercie. L’important pour le public est que Renaud soit là, avec ses immortelles chansons.
Michel TROADEC.