Renaud était inscrit sur la liste électorale

La Presse

Pendant quelques jours, le chanteur français a eu le droit de vote au Québec

MARIE-CLAUDE LORTIE

L’affaire semblait tout à fait plausible.

Le nom de Renaud, le chanteur français, était clairement là, inscrit sur la liste électorale. Pourquoi pas ? L’auteur de Miss Maggy a bien une maison au Québec après tout. Il aurait demandé la citoyenneté, ce qui lui aurait donné le droit de voter ? Why not ?…

Appel à son agence au Québec, puis appel à Paris, chez Virgin, sa maison de disque, puis fax chez son agent. « Pardon, est-ce que Renaud est devenu citoyen canadien, sait-il qu’il est inscrit sur la liste électorale ? A-t-il l’intention de voter ? Et pour qui ? Ou serait-ce un vaste malentendu ?… »

À Paris, personne n’est en mesure de répondre. On sait qu’il y a un référendum au Québec, mais Renaud électeur, Renaud citoyen canadien ? Pas au courant.

La Presse décide donc d’aller à la maison en question, celle dont l’adresse est inscrite sur la liste électorale.

Étrange. La demeure est modeste. On ne dirait pas du tout la maison d’une vedette même si c’est effectivement tout près d’une rue fort bien fréquentée. Un gros panneau du OUI est installé sur le balcon.

La Presse laisse un mot : « Rappelez-nous, on veut savoir si Renaud habite bien ici, s’il a l’intention de voter et si c’est pour le OUI, comme le panneau le dit.»

Mais la réponse tarde. Appel à l’assistance annuaire pour essayer de trouver un numéro de téléphone. Après un laborieux dialogue avec l’ordinateur de Bell, une personne humaine finit par trouver un numéro.

Coup de téléphone. « Bonjour, c’est La Presse, on a laissé une note chez vous pour savoir si Renaud habitait là. »

— Ah, c’est sérieux ? On croyait que c’était une farce ça aussi.

— Mais non, c’est bien La Presse. Et vous, êtes-vous bien le coloc de Renaud ?

— Nous on l’adore Renaud, on connaît toutes ses chansons par coeur, répond l’interlocuteur. D’autres voix, en arrière scène, approuvent la réponse.

— Oui mais est-ce qu’il habite chez vous, est-ce qu’il va voter ?? ??

— Mais non. C’est une blague !! !!

À l’heure où vous lirez ces mots, le nom de Renaud aura probablement été rayé de la liste électorale, parce que les farceurs se sont rendus compte que la « joke » avait assez duré. Et puis la loi dit que toute personne qui inscrit sciemment un non-électeur sur la liste électorale est passible d’une amende de 500 à 2000 dollars.

Mais pendant quelques jours, le chanteur français a bel et bien eu le droit de vote au Québec, à son insu.

La « farce » a démarré au moment du recensement, quand ces quelques étudiants québécois ont décidé de donner aux recenseurs le nom de leur idole.

C’était « pour faire une blague », disent-ils, mais aussi pour démontrer que le recensement des électeurs n’est pas du tout à l’abri des tricheries.

« Ils n’arrêtaient pas de dire que c’est très très chéké. Or, apparemment, c’est pas vrai. Nous on voulait juste prouver ce point là », a expliqué l’un des auteurs de la « joke ».

« On se disait qu’on allait lui envoyer sa petite fiche en France pour lui montrer qu’il a le droit de voter. On s’attendait pas du tout à ce que ça passe dans le journal. C’était juste pour rire », a-t-il ajouté.

« Et puis c’est sûr sûr sûr qu’on serait pas allé voter à sa place. »

Quand on leur a dit que La Presse avait même appelé l’agent du chanteur en France, ils n’en croyaient pas leur oreilles.

« Oupps… »

Si La Presse n’a pas vu la blague illico c’est que le chanteur Renaud a effectivement une maison au Québec. Sauf que c’est une immense demeure surplombant le chemin de la Côte Sainte-Catherine à Outremont, qui n’a rien à voir avec le logis des étudiants.

Hier, les farceurs ont promis de se rendre au bureau de révision avant la fermeture, pour faire effacer le nom de Renaud de la liste électorale.

Seront-ils quand même punis ? Y aura-t-il des conséquences ?

« Franchement, je ne sais pas. Mais je serais fort surpris », a déclaré Bernard Renald, agent de communication au bureau du Directeur général des élections du Québec.

Mais c’est à condition, évidemment, que les étudiants aient effectivement mis fin à la « blague », qui, selon M. Renald, « n’est pas particulièrement drôle ».

Personne n’a cependant rappelé de Paris pour dire si le chanteur, lui, avait bien rigolé en apprenant la chose.

Ses fans, en tout cas, meurent d’envie de le savoir.

  

Source : La Presse