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Le mariage en blanc et à l’église serait-il devenu une obligation pour les quinquas en demande de renaissance ? La liturgie choisie par Renaud exprime surtout un rite de passage vers une maturité revendiquée, mais préludant à une nouvelle vie. Original ? Non, plutôt conforme à l’idéologie du baby-boom, assumant son histoire, sa culture, mais désireux d’en écrire une nouvelle. S’affichant sans complexe, sentimental et pragmatique.
Mariée évanescente, nef gothique, tulles diaphanes… Les reportages donnaient du mariage religieux (église Saint-Pierre de Monfort-L’Amaury, 14 mai 2005) d’Anne Parillaud, 45 ans, et de Jean-Michel Jarre, 57 ans, une impression d’assomption romantique et artistique. Première fois pour l’actrice, qui fut la muse de Luc Besson, après avoir inspiré Alain Delon (couverture de Paris Match du 4 février 1983). Clôture d’un chapitre pour Jean-Michel Jarre qu’Isabelle Adjani avait devancé dans son désir supposé de vendre son propre récit de l’événement à la presse (24 juin 2004). Adjani inventait alors le « senior marketing de l’équation personnelle » en maîtrisant la communication relative à un événement dont elle était la victime. Astucieux : « Puisque ce mystère nous échappe, feignons d’en être l’organisateur »…
La médiatisation du mariage de Renaud avec la chanteuse Romane obéit en apparence à la même logique médiatique que le précédent. Anne et Jean-Michel ont déclaré, en jeans et pull, leur amour lycéen dans Paris Match (le 15 juillet 2004) avant de convoler 10 mois plus tard.
Le reportage sur le mariage de Renaud suit un calendrier Paris Match analogue : dix mois entre l’annonce de l’idylle et celle de l’union.
Un psychanalyste pourrait juger que le mariage en blanc du baby-boomer est une manière de combler une frustration ancienne, de parfaire l’union en lui donnant une sacralité dont les précédentes n’avaient pas été empreintes. Un sociologue évoquera l’empreinte du milieu social et du statut, le besoin de légitimer socialement un acte pour qu’il prenne toute sa valeur symbolique. Quid de Renaud ?
Les métaphores employées par son frère et biographe Thierry Séchan pour Paris Match (15 août 2005) évoquent davantage une rédemption. Jarre et Parillaud singeaient les amoureux transis. Après avoir tout dit (L’alcool, la dépression… ) dans Paris Match du 19 décembre 2002, Renaud était « sauvé par l’amour », encore dans Paris Match (9 décembre 2004). Aujourd’hui sa « rédemption » lui permet de renaître à maturité, en blanc et en assumant son histoire.
Un théologien pourrait développer une opinion étayée sur la cérémonie. Paris Match s’en tient aux paradoxes constatés « Le symbole est fort : un maire juif, une église catholique, un rite protestant… bel œcuménisme ». Personnalisation de la religion retaillée à sa mesure par le baby-boomer.
Mais, auparavant, Renaud, « revenu de l’enfer », qui a bu et fumé, fume et boit encore selon le reportage (page 43), mais en mesure. Il a connu d’autres étapes, avant de reprendre pied. Son bon samaritain « venu en voisin », avec son chien, s’appelle Michel Drucker, qui « s’occupait de Renaud quand il était un chanteur abandonné ».
Il y a encore eu « le chemin semé de ronces et de roses » qu’ils (Romane et Renaud) ont « parcouru ensemble pendant cinq années ». « Un chemin qui, parti de la Closerie des Lilas, les a mené à cette église ». Là, on craque. La jolie brasserie littéraire, spécialiste du tartare de bœuf au couteau, était son « bistrot préféré ».
Renaud-le-trimardeur ne cache donc pas qu’il n’est pas un adolescent mais un revenant, un baby-boomer assumant son histoire, une fille absente – « mais que l’on se rassure l’entente n’a jamais été aussi forte… » – et un statut de star qui ne peut tout à fait coïncider avec les images de simplicité valorisées : mariés dansant sur l’herbe, Hugues Aufray, Ardéchois-cœur-fidèle, venu sans « renoncer à sa vie champêtre aux épousailles ».
Celles-ci se sont toutefois déroulées « sous la protection d’un important service de sécurité ». L’auteur de l’article évoque longuement les familles des mariés, la lignée où leur union s’enchâsse avec de nouvelles promesses. Elles sont formulées dès la Une, puis confirmées sur une double page qui complète l’impression de renaissance consommée « Oui pour un bébé, dès ce soir ». Ouf, l’étiquette est respectée. Nos deux héros ne sauraient vivre dans le pêché. Autre révélation émanant de Romane : « Je me fais protestante par amour de toi ».
Paris Match évoque moins la liturgie que pour le mariage Parillaud-Jarre. Mais le récit mentionne qu’elle est célébrée par « la pasteure (qui) lit des versets de l’Ancien Testament et des Evangiles ».
Pas de Bach, de Haendel, ni de Mendelssohn, mais l’« Halleluiah », très générationnel, est celui de Leonard Cohen, chanté avant que Aragon/Ferrat ne soient annexés à l’office. Les références qui courent au long de l’article renvoient à une culture forgée dans les sixties. Côté cours (Baudelaire, Char, Verlaine) et côté phono : Renaud aurait aimé chanter du Brassens à la cérémonie ; il offre une guitare folk à Romane. Il entonne « Dès que le vent soufflera », avant de laisser le micro à Hugues Aufray, pour Stewball, Santiano. D’autres hits du temps où les autres baby-boomers cossus, entourant Renaud, le producteur Gilbert Rozon, et le PDG de Cartier, Alain-Dominique Perrin, allaient à l’école.
Le mariage en blanc et le désir d’enfant accréditent bien l’idée de renaissance pour l’ancien « esclave de l’absinthe, la « sorcière verte » ». Mais, c’est à maturité que naît Renaud. Mariage en blanc, mais copieux feuilleté de vie. Il a apporté histoire, cicatrices, famille recomposée, boires, déboires et chansons en dot à son mariage. Sans négliger de contrôler sa communication. L’auteur du papier est son frère. Il conclut en annonçant les prochains spectacles, un album, aussi : « celui de la maturité ». Evidemment. Renaud, l’homme de son temps, sentimental mais pragmatique.
Sources : Renaudmaah.com et le HLM des Fans de Renaud