Renaud, fin de quarantaine

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La Dépêche du Midi

Quand l’amer l’a pris, Renaud c’était pas pour rigoler. Mais alors pas du tout. Quarante balais et trop de poussière, la vision trop lucide d’un monde qui part en lambeaux, malmené par la vie, Renaud prend l’eau. Pratique pour noyer chagrin, dépression et pastaga, qu’il s’enfile par kilomètres entiers. Pratique mais inefficace et quoi qu’il en soit sans autre effet sur l’inspiration qu’un assèchement progressif. Vases communicants. L’ivresse sans la joie.

Renaud marche à l’ombre de lui-même et le sait: « Pendant des années, le simple fait de voir qu’il faisait jour et que j’étais vivant me remplissait de joie. Cette joie a un peu disparu. Je n’ai jamais voulu grandir, je n’ai jamais voulu vieillir. Alors… Déprime, parano, hypocondrie: séparation ».

Et la picole qui rend malade plus qu’elle ne soigne. Le Renard est lâché.

RESURRECTION

Mais la vie, cette ronce, s’entête et n’en démords pas. Puisqu’il en est ainsi, Renaud se refait les niveaux, se bricole un nouveau moteur, retape vaguement une carlingue amochée, et reprend la route des studios. Allez, hop! au travail. Pas moins écorché, Renaud, mais un peu plus vif. « Boucan d’enfer » sort et ne passe pas sous silence. Ça l’étonne, Renaud, qu’un album à ce point autobiographique parvienne à émouvoir autant. « Un album plus nombriliste qu’altruiste », reconnaît-il. Psychanalyse du singe qui reprend du poil de la bête.

C’est pas un redémarrage au quart de tour, hein, la caisse est usée, n’empêche qu’à se mettre ainsi à nu, Renaud parle vrai comme il l’a toujours fait. De ses colères, des injustices, des minorités, d’amour, de l’insupportable de la vie…

Renaud parle de lui, aussi, dans les journaux qui ne l’avaient pourtant pas épargné. On le revoit à la télé. Ça l’emmerde, au fond, de parler de lui. Par pudeur pour ceux qui en chient autant, mais dans l’anonymat. Le type est comme ça. Simple. Trop conscient des autres pour s’apitoyer plus que des raisons.

Et puis voilà. Renaud remonte sur scène sans chichis, chante d’une voix cramée à laquelle tout le monde s’est habitué, chargée de meurtrissures et de brisures et de cicatrices. Mais il chante. L’essentiel.

Jean-Louis DUBOIS-CHABERT.


Les intermittents demandent l’annulation à Renaud

Le Collectif audois pour le sauvetage de la culture (CASC) adresse cette lettre ouverte à Renaud: Monsieur Renaud Séchan, vous le savez sans doute, vous le savez sûrement, un protocole d’accord signé le 27 juin dernier provoque en France un important mouvement de contestation et de résistance de l’ensemble des métiers du spectacle vivant. Nous faisons appel à vous, Monsieur Séchan, en tant qu’artiste, homme et citoyen responsable. Nous faisons appel à vous, car vous avez été pour beaucoup d’entre nous, dans le concert harmonieux d’une société injuste, une voix isolée qui chante faux des vers qui sonnent juste. Vous l’avez dit vous-même, on ne chante pas les mêmes choses à 20 ans qu’à 45. Aussi, nous ne vous demandons pas de chanter « société, tu m’auras pas, mais de dire avec nous « Medef insatiable, arrête-toi là ». Vous voyez, nous n’avons pas un sens de la formule aussi efficace que le vôtre. Il n’est plus temps pour nous de nous satisfaire de la tribune que nous laissent certains artistes reconnus, en nous donnant un temps de parole sur scène pour exprimer nos doléances. Nous voilà contraints à un rapport de force qui nous pousse vers l’acte le plus cruel et paradoxal: se priver, nous artistes et artisans du spectacle vivant, de notre parole en nous mettant en grève. Voilà pourquoi nous vous demandons de ne pas jouer lors de votre venue à Carcassonne. Soyez avec nous dans ce bras de fer, et peut-être que l’oreille de ce gouvernement atteint de grave surdité commencera à siffler.

   

Source : La Dépêche