Renaud : IL est resté fidèle à la tradition familiale

Ici Paris

N° 2455, 22 au 28 juillet 1992

RENAUD

IL va tourner « Germinal » aux côtés de Depardieu et Miou-Miou

IL a eu quarante ans le 11 mai dernier. Pourtant, lorsqu’on le regarde, avec ses allures de gavroche, lorsqu’on écoute ses propos de rebelle, on pense plutôt qu’il a deux fois vingt ans. Renaud et ses vérités, ses fidélités, ses amours, ses révoltes, reste un personnage hors du commun, même s’il affirme : « Ma vie ressemble à celle des autres ».

Avec des rêves de paix plein la tête, de la tendresse plein le cœur, il est sans cesse sur le sentier de la guerre. Il  défend toutes les causes qui lui semblent justes, la dernière étant la survie des ours dans les Pyrénées, la défense de la nature.

D’où lui vient cet esprit frondeur modelé de générosité ? De son grand-père, peut-être, ancien syndicaliste qui parlait beaucoup de politique à la maison. De ses parents aussi, qui tenaient devant lui et ses cinq frères et sœurs des discours anticoloniaux et anti-Algérie française.

De son tempérament, sûrement, qui lui faisait parsemer de références à Marx et à Bakounine son devoir de français au B.E.P.C. « A quinze ans, alors que les autres ne s’intéressaient qu’aux boums du samedi soir, j’étais pacifiste et antinucléaire. » Au fond, il est resté fidèle à la tradition familiale.

Le fils de Gervaise

Bientôt, il fera l’acteur. Sous la houlette de Claude Berri, il se retrouvera pendant quatre mois aux côtés de Miou-Miou et de Gérard Depardieu pour le tournage de Germinal, d’après Zola. Quand on l’imagine dans son rôle, celui du fils de Gervaise, on devient impatient.

Conséquence de cette nouvelle activité : personne ne le verra beaucoup, cet été, à L’Isle-sur-la-Sorgue, près d’Avignon, où il a repris la maison familiale qu’il retape. Il n’ira pas souvent descendre la rivière ou pêcher avec les copains. Dominique, sa femme, et Lolita, sa fille qui a onze ans et demi, vont bien s’ennuyer de celui dont on assure qu’il est un mari modèle et un papa poule.

Lorsqu’elle retournera à l’école, à la rentrée, Lolita ne sera pas accompagnée par son papa qui, bien souvent, pour s’offrir ce plaisir, se lève à 7 h 30 du matin. Il dit d’elle : « C’est ma muse », et lui dédie au moins une chanson sur chaque album, comme Morgane de toi.

Il s’émerveille, ravi d’avoir à son tour créé une famille. « J’ai toujours eu besoin de la cellule familiale », affirme-t-il. Avec Dominique, il se sent bien. Lorsqu’il l’a rencontrée, il avait vingt-quatre ans. Cela se passait dans un bistrot du quartier du Marais.

« Dans les rapports amoureux, c’est l’horreur, car je suis le plus possessif et le plus jaloux qui soit »

Il raconte ainsi son coup de foudre : « Quand j’ai vu cette gonzesse, je me suis dit : « Voilà, c’est elle. Je la drague, je la baise, je l’épouse, on vieilli ensemble, on meurt ensemble. » » Hélas, elle n’était pas libre. Alors il a patiemment attendu qu’elle divorce et il se sont mariés en 1980. Douze ans plus tard, leurs rapports n’ont rien perdu de leur force.

A Françoise Hardy, qui l’interviewait dans son émission de RMC, Renaud avouait : « Dans les rapports amoureux, c’est l’horreur. Je suis le plus possessif, le plus jaloux qui soit… »

Et Lolita, serait-elle jalouse ? Lorsque son père parle par hasard d’avoir un autre enfant, ni elle ni Dominique ne sont d’accord. Dans un tel cas, il n’insiste pas et reconnaît. avec un sourire plein de tendresse : « Seul contre elles deux, je ne fais pas le poids ! »

« J’ai besoin de cette cellule. Dominique et notre fille, Lolita, m’apportent tout cet amour »

Sur scène, Lolita avait pris l’habitude de venir l’embrasser à la fin du concert. Il acceptait, trouvant cela très émouvant. Aujourd’hui, il la regarde, avec un mélange de fierté et d’amour.

Avec aussi, comme beaucoup de pères, ce petit pincement au cœur lorsqu’il pense, comme il le confie : « Pour l’instant, c’est ensemble qu’on va voir La Petite Sirène ou Hook. Ensuite, c’est avec ses copains qu’elle sortira. » Renaud, blouson de cuir et cœur fragile.

Tendresses et colères

Il y a huit ans, il avait un chien qui répondait au nom de Pirate. Ils s’arrêtèrent ensemble chez des amis en Hollande. La maison était grande et belle. Pirate y semblait heureux et les hôtes du lieu l’adoraient. Alors, Renaud est reparti tout seul vers son minuscule logement parisien. Il acceptait d’être malheureux pour le bonheur de son chien.

« J’ai eu de la peine pendant sept ans, raconte-t-il, mais Toto est venu combler le vide et nous sommes inséparables. » Toto est un superbe golden retriever que son maître emmène partout et qui, paraît-il, accapare l’attention des passants.

Ce n’est tout de même pas lui qui chante, et Renaud ne doit qu’à son propre talent le succès de son dernier album, Marchand de cailloux, reflet de ses tendresses et de ses colères, qu’il raconte avec d’autres mots, mais qui ne changent pas.

Lorsqu’il parlait de son passage au Casino de Paris, en mai dernier, il disait : « Les chansons seront essentiellement des chansons d’amour. Peut-être parce qu’après avoir fait le tour des révoltes, l’amour c’est la seule vérité. » Mais aura-t-il jamais fait le tour de ses révoltes ?

Paule PICARD

  

Source : Ici Paris