Renaud, janvier 2001, sur la scène du Spectrum, pour la première de son spectacle à Montréal. Saoul, fatigué, dépressif, brisé par l’amour, les poumons ravagés par les trois paquets de cigarettes qu’il grille quotidiennement, le chanteur, méconnaissable, n’a plus de voix et livre une performance qu’il qualifie lui-même de pathétique. Le lendemain, les journalistes déclarent Renaud artistiquement mort et ne donnent pas cher de sa peau.
Décembre 2004, toujours à Montréal, au bistro de son hôtel. Étincelles bleues dans les yeux, cheveux courts, souriant, c’est un jeune Renaud de 50 ans qui nous accueille. Simplement heureux.
Mais que diable s’est-il passé?
Romane Serda, encore plus belle et blonde en vrai que sur photo, a grandi dans un village perdu de la campagne française. Elle tente de percer dans la chanson depuis plusieurs années, a chanté en anglais en Angleterre, cogné à des portes qui demeuraient fermées, joué avec un petit groupe dans les bars, tourné des pubs et même décroché un rôle principal dans une série télé, mais sans s’y plaire vraiment; les années de galère, quoi. Celles où l’on apprend son métier.
ROMANE ET RENAUD
Il l’a aperçue dans un resto. L’a été soufflé, le Renaud. S’est arrangé pour obtenir son courriel et lui a écrit des petits mots d’amour tendres. Et la belle a craqué. Une histoire d’amour comme il s’en écrit des centaines chaque jour, certes, mais une histoire inespérée pour Renaud, lui qui disait préférer garder intact son vieil amour perdu plutôt que d’en vivre un nouveau. Une nouvelle passion qui l’a littéralement ramené à la vie. Après l’insuccès des thérapies, des médicaments, des quatre litres d’alcool absorbés quotidiennement et des mises en demeure venant de ses amis (« c’est la bouteille ou c’est nous »), une seule chose allait extirper Renaud de son infini désespoir: l’amour. Pour se débarrasser de l’alcool, certains rencontrent Dieu; Renaud, lui, a rencontré une femme. Voilà diable ce qui s’est passé.
D’abord séduit par sa beauté, le chanteur découvre ensuite le cœur de sa Romane. Sa voix qui sait être émouvante. Puis ses compositions, quelques-uns de ses textes et, surtout, sa passion pour la musique, pour laquelle elle sacrifie tout le reste. Renaud, pour la première fois de sa vie, se sent l’âme d’un producteur. Voyant sa douce ramer en vain contre le courant (« En France, aucun gérant de salle, aucun producteur télé ne s’intéresse à une chanteuse qui n’a pas d’album »), il décide d’aider sa compagne à réaliser son rêve de toujours: faire un disque qui lui ressemble. Romane devient sa cause, dans tous les sens du terme. Il lui présente des auteurs de talent (Brice Homs, Jean Fauque, Pierre Calvin), des compositeurs (dont Daniel Lavoie et François Bernheim, le réalisateur du premier album de Renaud!) et un réalisateur (Frank Eulry). « Renaud m’ouvrait la première porte et me laissait ensuite faire mon propre chemin. Il m’a permis d’être moi-même et de réaliser cet album dans la sérénité », précise Romane.
Il l’encourage, la conseille, lui écrit deux chansons (Mon carnet de velours et Petite Sœur), chante avec elle (la magnifique Anaïs Nin). Et lui jure que même si elle n’était pas sa nana, il le ferait quand même. Parce qu’il croit en son talent. « Je ne le fais pas seulement par amour, explique un Renaud allumé. Je regarde Romane démarrer, à petits pas, une carrière que je prévois longue et prolifique, et je suis admiratif. Je suis sous le charme en tant qu’homme et passionné de musique. »
SON DISQUE À ELLE
Sorti le 9 novembre en France (disponible au Québec après les Fêtes), le CD éponyme de Romane Serda a étonné les critiques. Il faut dire qu’on attendait « la nana à Renaud » dans le détour: on chuchotait qu’elle l’avait eue facile grâce à lui, que ça sentait le coup de marketing et qu’ils s’aimaient d’un amour intéressé. Bref, on n’y croyait pas. Mais la voix mûre de Romane – à 33 ans, on croirait entendre une « vieille âme » -, les arrangements sobres et la réalisation soignée d’Eulry ont eu raison des préjugés. Et voilà qu’on la compare maintenant à Françoise Hardy et à Jane Birkin… Flatteur.
Seul bémol à cette presse chaleureuse: le nouvel amour de Renaud et sa résurrection ont excité la presse people française bien plus que la musique de sa nouvelle muse. « Les médias parlent plus de notre relation passionnelle que de son album, déplore le chanteur-producteur. Sincèrement, je ne croyais pas que notre couple allait prendre autant d’importance. » Romane renchérit: « On vit dans la sincérité et je n’ai rien calculé. J’ai fait cet album comme je rêvais de le faire, amour ou pas. Or, on s’est vite fait démasquer dans la rue par les paparazzis, mais on a quand même décidé de ne pas vivre cachés. J’espère seulement que ce disque, que je porte depuis des années, aura une vie propre. »
SON DVD À LUI
Renaud l’avoue: cette compilation CD/DVD, Mon film sur moi et mes chansons préférées de moi, qui vient de paraître au Québec, est une idée de sa compagnie de disques, qui sait compter et qui a voulu profiter du succès phénoménal de Renaud depuis deux ans: deux millions d’albums écoulés, un million d’entrées à ses spectacles, 600 000 exemplaires vendus de son simple Manhattan-Kaboul, en duo avec Axelle Red. Renaud a été le chanteur français le plus populaire en France l’an dernier. Pas mal pour un artiste que l’on croyait mort…
Encore une compilation de Renaud, diront les fans. Eh oui. Et conçue selon les règles de l’art, sans réelle surprise. Mais il faut tout de même se la procurer pour le documentaire de deux heures sur la vie et l’œuvre de Renaud, réalisé par Didier Varrou. Un portrait touchant du chanteur et de la France post-mai 68, mais surtout, surtout, des images bouleversantes d’un Renaud qui observe avec nous, quasi immobile mais intensément présent, sa vie défiler devant lui.
Un document précieux, que l’on a failli ne pas voir: « Ce petit film, je l’aurais mis aux oubliettes, pour être tout à fait honnête. Il correspond à une époque de ma vie que j’ai envie d’oublier et sur laquelle je n’ai plus envie de m’étendre ni de m’expliquer. La narration s’est faite au moment où j’allais vraiment mal… Mais c’est quand même un document intéressant. N’empêche, ce film est un peu obsolète par rapport à ce que je suis, ce que j’ai envie d’être, ce que j’ai envie de dire. » Et qu’a-t-il envie de dire, aujourd’hui? « Que je n’ai jamais été aussi heureux et amoureux. Que je me suis remis à l’écriture depuis quelques mois, j’ai déjà quelques chansons sous le coude, d’autres sont en chantier. Et que j’espère écrire de jolis mots d’amour pour ma muse. »
C’est la grâce qu’on lui souhaite.
MON FILM SUR MOI ET MES CHANSONS PRÉFÉRÉES DE MOI (CD AUDIO + DVD)
RENAUD
(EMI)
ROMANE SERDA
ROMANE SERDA
(EMI)
Sources : Voir.ca et Le HLM des Fans de Renaud