N° 794, 21 au 27 décembre 1991
Fini le look soixante-huitard attardé! Cheveux courts, Renaud aborde ses 40 ans avec une nouvelle tête, un nouvel album, un retour sur les ondes et un premier rôle au cinéma. Un Renaud qui plonge dans l’âge adulte avec joie, et crainte aussi.
TELE STAR: Pourquoi ces cheveux courts ?
RENAUD : Ça date du mois dernier, quand je me suis vu à la télé. Une tête de vieux baba-cool soixante-huitard qui se baladerait avec une toile d’araignée sur la tête. Je suis descendu direct chez le coiffeur de mon quartier.
- Est-ce le presque quadragénaire (11 mai prochain) qui a réagi ?
Oh, les 40 ans, ça fait un bout de temps que je m’y suis préparé. Pour éviter le choc. Aujourd’hui, je suis habitué. Et même content.
- Votre album, « Marchand de cailloux », est pourtant plein de tendresse nostalgique pour l’enfance.
J’ai à la fois envie et peur d’être adulte. Avec ce que cet âge comporte de bêtise, de regrets, de certitudes qui s’écroulent, et de visions d’avenir pas très jolies.
- Même votre fameuse chanson « Tonton » semble d’inspiration plus filiale que pamphlétaire…
Je l’ai prise parce que ma femme la trouvait belle, et que j’ai confiance on son jugement. Et deuxio parce que les gens qui l’écoutaient la ressentaient autant comme un bol hommage que comme un coup de poignard. Des réactions qui traduisaient exactement l’ambiguïté de mes rapports avec Mitterrand. L’homme politique me désespère mais l’homme tout court me séduit.
- Que nous vaut l’honneur de vous voir, de vous entendre à nouveau sur les ondes et les écrans, après un si long silence ?
Je reconnais avoir été excessif dans mon attitude à l’égard des médias. Mais je suis comme ça : je préfère me noyer dans une idée plutôt que de faire machine arrière. Cela dit, je reviens à pas mesurés. Le bruit court que je suis fâché avec plein de gens à la télé. En fait, il ne faut pas oublier qu’il y a un an, on m’a interdit d’antenne sur TF1 pour propos antipathiques à l’égard de la télé, en général, et de TF1, en particulier.
- Que faites-vous de vos sous ?
J’achète des maisons. Mon appartement à Paris (les méchantes langues disent « hôtel particulier », mais les impôts écrivent « pavillon »). Une maison dans le pays de Sorgue, à dix kilomètres du Lubéron (je tiens à la nuance, tant que le Lubéron sera le refuge de la gauche caviar), une maison à Montréal, un bateau. Et ma collection d’éditions originales de BD (Tintin, Spirou), qui me pompe pas mal d’argent…
- Quand remontez-vous sur scène ?
Je ne sais pas. Avant, de toute façon, il y a cet immense projet de cinéma, « Germinal », avec Claude Berri. Ça fait 10 ans que Berri veut me faire tourner. Et 10 ans que je lui dis que je serais mauvais. Là, à côté de Miou-Miou et de Depardieu, |e ne peux pas me le permettre. Mais je suis mort de peur.
- Qu’est-ce qui vous retient de vous arrêter de chanter, comme vous nous en aviez déjà menacé ?
Le courrier que je reçois, toutes ces lettres qui me supplient de ne pas laisser tomber, qui disent « on a besoin de toi ». Et puis la petite flamme qui brille dans les regards du premier rang…
Propos recueillis par
FRANÇOISE MOBIHAN
Source : Télé Star