RENAUD : « J’ai transmis ma révolte à ma fille »

Ciné Télé Revue

N° 19, 11 mai 1995 (du 13 au 19 mai 1995)

Il vient d’enregistrer des chansons de Brassens et parle de l’enfant qui guide sa vie

Avec sa compagne :
« Les courbature du petit matin m’em… un peu ! » (Rires.)

« A la Mutu » à partir du… 1er mai, Renaud, fils de Brassens et frère de Gavroche, ne pouvait faire plus symbolique. La parole au plus attachant de nos rebelles, qui a perdu quelques illusions en route.

– Chanter à la Mutualité à partir du 1er mai… c’est une date engagée ?

– Symbolique, c’est sûr. Cette salle historiquement vouée aux combats de la gauche et libertaires, où Brassens a chanté et où Brel aurait donné sa dernière, j’y pensais depuis longtemps. Et puis, j’aime bien que les dates veuillent dire quelque chose.

– Parlons-en des dates. Sur scène, le 11 mai, vous avec fêté vos 43 ans. Vieillir, ça vous fait quoi ?

– Ça ne me fait pas flipper du tout. Et ça m’étonne ! Les courbatures du petit matin m’emmerdent un peu, mais j’ai hâte qu’on me laisse les places assises dans les transports en commun !

– Le slogan « En mai, fais ce qu’il te plaît », est le vôtre ?

– J’ai plutôt de la chance dans ma vie et, artistiquement, je me fais de beaux cadeaux. Là, à la Mutu, je me suis offert un plateau royal avec des cuivres, des cordes et puis Rouvey-Rolllis, qui m’a fait des lumières que même le soleil à côté, ce ne sera pas grand-chose.

– Vingt-sept ans après mai 68, quatorze and après mai 81, pour qui votre Renaud ?

– Au premier tour, j’ai voté Dominique Voynet parce que femme, mère de famille, écolo… Trois arguments séduisants. Mais pour le second tour, je grossis les rangs des pêcheurs à la ligne.

– Votre fille, pour qui vous chantez ce magnifique « C’est quand qu’on va où ? », se sent-elle proche ou éloignée des combats politiques ?

– En tous cas, elle n’est pas « consensuelle ». Je crois qu’on lui a transmis un sentiment de révolte qui se manifeste par une absence totale non de valeurs, mais d’illusions. Elle sait que le monde tourne assez mal et, du haut de ses 15 ans, elle est quasiment plus anar que moi.

– On vous sent papa passionné… Pourquoi un seul enfant ?

– Parce que ma femme et ma fille n’en voulaient pas d’autre. A deux contre un, je ne pouvais par lutter.

– Ses petits amis, ils vous rendent un peu jaloux ?

– Ma fille n’est pas encore trop branchée sur « la chose ». J’ai un peu de répit. Son seul amour, pour l’instant, c’est Brad Pitt. Du coup, je me laisse pousser la barbichette, comme lui. (Sourire.)

– La crise d’adolescence, vous l’abordez comment ?

– Je n’ai pas peur qu’on s’oppose à mon autorité : je n’en n’ai aucune ! Et puis, les boums, la fumette, etc., ce n’est pas à l’ordre du jour.

Le Ciné, c’est pas son truc

– Vous confiez avoir mûri, vieilli et perdu vote naïveté. A quoi ne croyez-vous plus ?

– Je ne crois plus au « grand soir » ! Je pense définitivement que l’argent, le profit et le pouvoir dirigent le monde et que cela ne changera jamais. Même après un embargo sur les armes, on se mettra à fabriquer des machettes.

– Vous semblez devenir de plus en plus tolérant. Vous chantez même que « l’essentiel à apprendre, c’est l’amour du prochain… même si c’est un beau salaud »…

– Un petit relent de christianisme, sans doute ! C’est vrai que c’est une belle idéologie. Mais, rassurez-vous, essayer de comprendre n’est pas abdiquer. Je ne tends pas encore l’autre joue et je n’ai pas envie d’aller au-devant de mes ennemis.

– On vient de vous revoir à la télé dans « Germinal ». Vous avez regardé ?

– Non. Je ne regrette pas d’avoir tournée le film, mais j’aurais préféré l’avoir (…).

– Après, ne deviez-vous pas camper François Villon ?

– Claude Berri était sûr qu’à la sortie de « Germinal », je serais assailli. Mais, à part un téléfilm, rien ne s’est présenté.

– Renaud acteur c’est donc fini ?

– Je viens de refuser un rôle. Le ciné, c’est pas vraiment mon truc. Je n’ai pas l’envie d’être dirigé ! Ce qui me plairait, c’est le projet de film sur Astérix. Je me verrais bien dans le rôle d’Assurancetourix… en chateur avec des couilles.

– Faute de Villon, vous venez d’enregistrer de nombreuses chansons de Brassens. 

– Je me suis fait (…) parce que j’avais reçu (…) de deux gardiens du temple, comme on dit : Gibraltar, (…), et André Tillleux, (…). Au départ, j’ai (…) (marbre, cire puis bronze) à relief pour l’installer impasse Florimont, où se trouve la maison de Georges, qui est maintenant occupée par Gibraltar. Le jour de l’inauguration, la guitare allait bon train et ils m’ont dit : « Alors, pourquoi tu ne le chantes pas ? » Moi, Brassens, c’est ma vie de quarante-trois ans. Je suis tombé dedans en naissant. Même ma fille, à 3 ans, chantait cette « Brave Margot ». Alors (rires)…

Propos recueillis par Alain HOUSTRAETE-MOREL

  

Source : Ciné Télé Revue