19 avril 2000
Il chante faux et le public s’en fiche. Finalement, nous aussi
BRUXELLES – Ce n’est pas tous les jours qu’une bande de jeunes investit le palais des Beaux-Arts en hurlant C’est pas l’homme qui prend la mer… Cela explique, sans doute, les regards mi-amusés mi-inquiets des stewards et des hôtesses, mercredi soir, sur le coup de 20 heures, dans le hall de cette institution bruxelloise du spectacle, bourrée à craquer pour l’occasion. C’est que l’ami Renaud, cela faisait quatre longues années qu’il ne nous avait plus rendu visite. Mais là, pour le coup, il a rattrapé le temps perdu.
Histoire de chauffer un public plus qu’impatient de le voir pointer le bout de ses santiags, l’homme aux cheveux de paille balance, des coulisses, les premières notes d’Hexagone, chantée entièrement en arabe, toutes lumières allumées et la scène désespérément vide. Et ça marche. Parce que quand il attaque pour de bon, la salle se lève comme un seul homme et démontre par là même l’absurdité d’organiser un concert de Renaud… assis. Une fois les politesses d’usage envoyées (« Merci Bruxelles, vous êtes très chaleureux », etc.), le chanteur se lance dans La ballade de Willy Brouillard et, là, on se dit que, côté voix, ça ne s’est pas amélioré depuis la dernière fois. Un petit tour du côté de Chez la mère à Titi et Renaud reprend son dialogue avec la salle.
« Vous voyez, je n’ai pas changé. Toujours les cheveux jaunes. La voix toujours aussi pourrie, disent certains journalistes. Normal, avec ce que je fume. D’ailleurs, chez moi, on ne parle plus des cordes vocales, mais de la corde vocale. Et encore, ce serait plutôt une ficelle… » C’est donc ça ! Enfin, si c’ est lui qui le dit… Le public, lui, s’en fiche et est bien d’accord avec l’idée qu’il puisse chanter 100 ans. Ce qu’il fait d’ailleurs.
D’En cloque à Son bleu, c’est tout son répertoire que le titi parisien revisitera durant près de trois heures, entrecoupant ses chansons de longs bavardages qui ont l’heur de séduire la foule. Toutes y passeront : Le déserteur, La pêche à la ligne, Deuxième génération, Germaine, Miss Maggie (pour laquelle il a toujours autant la haine … ) « Je l’avais un tout petit peu oubliée, ces temps-ci, mais elle s’est rappelée à mon bon souvenir en allant rendre visite à Pinochet dans sa prisons. Ça mérite pas de vivre, des charognes pareilles »), Chanson pour Pierrot et, en rappel, C’est pas l’homme…, Manu et Mistral Gagnant.
Voilà, il est 23 heures passées. On se retrouve sur le trottoir avec la drôle d’impression d’avoir partagé un moment intime avec un Renaud que l’on sent parfois mélancolique (« Le bonheur, cette affaire de médiocre qui use le cœur », dit-il dans Petite conne ou encore « Mon amour est parti, parti pour toujours. J’ai perdu mon amour et j’ai perdu ma vie », dans La pêche à la ligne) mais dans les veines duquel coule toujours le sang d’un type volontiers anar. Mélangé à quelques gouttes de Kro.
Source : Le HLM des Fans de Renaud