Publié le 23-04-2002 à 00h00
Dimanche dernier, 20 heures, devant la télévision, Renaud est, comme des millions de Français, « effondré, effondré pour la gauche, pour la France, pour l’Europe, pour la démocratie ».
Lui qui, à 16 ans en 1968, a fait les barricades, n’en revient pas encore du séisme. Sans renier son choix – Noël Mamère -, le chanteur estime faire partie des gens qui ont dispersé leurs votes au premier tour: « Si les sondages avaient marqué plus précisément le danger en montrant Le Pen et Jospin au coude à coude, j’aurais évidemment voté pour faire barrage à l’extrême droite. Tout le monde pensait que Le Pen plafonnerait à 10-12 pc comme d’habitude… » Pointant du doigt l’abstention, il invoque aussi la malchance, le fait que les vacances scolaires ont tenu beaucoup de gens éloignés de leurs bureaux de vote. Mais une chose est sûre: « Les électeurs de Le Pen, eux, ne s’abstiennent pas, jamais! » Plus généralement, Renaud voit dans le désintérêt pour la politique le signe de la désillusion: « Les gens ne voient rien changer dans leur vie quotidienne, ils sont perdus, ne croient plus à la gauche ni à toutes ces promesses; ils ont été trop souvent trahis et déçus. » Des déçus dont il fait partie, et un plébiscite pour Chirac au second tour ne l’amuse pas non plus: « Je laisserai la droite et l’extrême droite se battre entre elles, mais je ne pense pas que j’irai voter pour Chirac. C’est au-dessus de mes forces. » Sauf s’il y avait un réel danger… Même déçu, il se réjouit des jeunes qui manifestent leur mécontentement dans la rue, eux qui, pour la plupart, ne se sont jamais intéressés à la politique. Sa fille de 20 ans y était, et lui? « C’est plus de mon âge. Je suis bien trop désillusionné pour aller gueuler sous des banderoles. »
Dans son nouvel album, « Boucan d’enfer », à paraître le 28 mai, et qui est plutôt un cri d’amour, Renaud garde ses distances, même s’il reste concerné (« Manhattan-Kaboul », en duo avec Axelle Red) ou ne peut cacher son admiration pour l’action de Noël Godin (« L’entarté »). La politique hexagonale , il n’y fait allusion que par la bande, par « Baltique », le Labrador noir maintenu hors de l’église de Jarnac lors de l’enterrement de son maître, François Mitterrand. « Un jour pourtant, je le sais bien / Dieu reconnaîtra les chiens. » (D. S., à Paris)
© La Libre Belgique 2002