RENAUD Le chanteur râleur

Télé-Loisirs, août 1989

Renaud au Zénith – jeudi 24 août – 22h10 – A2

« Il clame qu’il est du parti des oiseaux, des baleines, des enfants de la terre et de l’eau. Mais quand il regarde le monde, il braille. »

Sur la scène du Zénith, pour la série de concerts qu’il a donnés en octobre dernier, Renaud avait fait planter un arbre. Un très grand arbre, genre chêne centenaire, qui poussait ses racines sous un vrai gazon tout vert, semé de coquelicots impassibles. Dans l’arbre, il n’y avait pas de rossignols mais ses musiciens, choristes, batterie et guitares comprises. Au pied de l’arbre, un piaf à la voix gouailleuse chante l’émotion (Petite ou Me jette pas), dénonce les mochetés du monde (Trivial Poursuite) ou brille ses colères (Allongés sous les vagues ou Rouge-gorge) dessine des portraits, celui de La Mère à Titi ou de la Socialiste et salue les potes (Putain de camion, Jonathan).

Toutes ces chansons, toutes ces émotions, Antenne 2 nous propose de les revivre le jeudi 24 août sous les frondaisons du grand arbre du Zénith. A l’époque, lorsque l’on s’était demandé pourquoi le « visage pâle » avait planté un arbre dans un décor, Renaud, teint blême et mèches décolorées, demi-sourire timide et dégaine incertaine avait répondu :

« Un arbre ? C’est l’air pur, c’est beau, c’est grand. Un arbre ? Ça se contente de peu, c’est la sagesse, la sérénité, la longévité, la liberté. C’est la vie quoi ! »

Une sensibilité à fleur de peau

Comme il venait de passer quelques durs moments, on s’était tous dit : l’anarchiste provocateur, le râleur bougon, le gavroche du bitume et des banlieues vire peut-être à l’écolo qui écoute pousser les fleurs. « J’ai cent ans, chante-t-il, et j’suis bien content. J’suis assis sur un banc et je regarde mes contemporains ! J’ai plus d’amour, plus d’plaisir, plus de haine, plus d’désirs ! Mais j’suis comme le platane, un peu d’pluie, j’suis en vie ça m’suffit, j’suis bien ! »  Ainsi Renaud serait devenu sage. Vite dit, vraiment « Pour ça, il faudrait que je ne lise plus la presse, que je tourne le bouton de la télé au moment des infos. C’est peut-être idiot mais le malheur du monde, je le reçois en pleine poire et j’aurais du mal à être simplement heureux tant qu’il y aura un homme malheureux sur la terre ! »

Alors, côté sagesse et sérénité, il va peut-être falloir attendre encore un peu ? Du coup, lorsqu’on l’agace trop en lui demandant de prendre des positions politiques, il clame qu’il est « du parti des oiseaux, des baleines, des enfants de la terre et de l’eau ». Mais dès qu’un entrefilet, dans la presse le fait bondir, il repart au combat.

On lui dit Europe, il pense immédiatement à Thatcher et braille : « Je pense que ce sera surtout l’Europe des banques et des intérêts financiers ». On lui raconte les préparatifs du Bicentenaire et la réunion du Sommet des sept et il lance immédiatement la contre-fête, huit jours avant le 14 juillet. Près de 100 000 « vrais sans-culottes » de Paris et de la banlieue, selon l’expression de Renaud s’étaient réunis pour un concert à la Bastille sous le slogan : « Dette, apartheid, colonies : ça suffat comme ci ! »

Passionnément sincère

Dédiant chacune de ses chansons à « des amis qui n’ont jamais la parole », le chanteur a notamment rendu hommage aux « enfants palestiniens assassinés par l’armée israélienne dans les territoires occupés », aux sympathisants de l’IRA, aux derniers « marins du Rainbow Warrior », aux « dix-neuf Kanaks assassinés à Ouvéa », à Jean-Marie Tjibaou, à Nelson Mandela et même à Jean Jaurès. Ce jour-là, il a gagné son pari de « manifester dans la fête et dans la joie pour le tiers monde ».

Parce que Renaud est avant tout sincère, sérieusement, passionnément et c’est pour cela qu’il est touchant, c’est pour cela qu’on l’aime.

 

Source : Le HLM des Fans de Renaud