Renaud : le plus français des chanteurs passe les frontières

(Journal inconnu)

Dimanche 15 décembre 1985

Après la Russie, il s’attaquera bientôt aux Etats-Unis. Mais auparavant il repassera au Zénith où il avait déjà triomphé il y a deux. Un beau parcours pour fêter ses dix ans de chanson douce et violente.

Le succès ne l’a pas transformé. Il a toujours le même « look » qu’à ses débuts.

Pour une fois, nous ne l’avons pas rencontré au bistro.  « Le rendez-vous des amis », son quartier général du Marais, mais sur un plateau de télévision. Promotion oblige : Renaud vient de sortir son nouvel album, « Mistral gagnant ». Un album attendu (le premier chez Virgin, sa nouvelle maison de disques), tendre et violent, et dont le titre vedette, « Miss Maggie », est un hymne à la femme et un pamphlet contre Margaret Thatcher.

« J’ai écrit cette chanson au lendemain de la tragédie du Heysel, dit Renaud. Il aime les femmes. Elles sont parfois plus intelligentes que les hommes. On les rencontre rarement dans les rangs des supporters fous-furieux. On ne verra jamais une femme en venir (…) pour un peu de (…). Et ce n’est pas une femme, enfin, qui a inventé la bombe atomique. En revanche, je déteste Margaret Thatcher. Pour moi, elle est plus sauvage et violente que bien des hommes. »

Blouson de cuir, foulard rouge et jean, un garçon blond démarre dans ce métier.

Une légère barbe, une moustache près, le « look » est identique. Mais le garçon est devenu une vedette. En une décennie, il s’est imposé comme l’une des personnalités les plus fortes de la chanson française. Comment? Il ne le sait pas lui-même. Il est incapable d’en définir les causes. La réponse est simple : son humour populaire, sa tendresse poétique lui ont donné un ton personnel et son langage est celui de toute une génération. Avec ses mots, avec sa gouaille, il a séduit des millions de jeunes qui se sont reconnus en lui.


Sa première chanson à la Sorbonne

Contrairement aux apparences, Renaud est né dans une famille bourgeoise de la banlieue parisienne. Son père, professeur d’allemand, écrivait à ses heures des romans policiers, et sa mère était femme au foyer. Son enfance, le chanteur l’a passée dans une HLM proche de la porte d’Orléans. « Nous étions six enfants à la maison. Nous ne comptions plus les bêtises. En 1968, j’ai bien cru que ma mère allait faire une crise cardiaque : nous étions tous sur les barricades. J’avais dix-sept ans et c’est en occupant l’amphithéâtre de la Sorbonne que j’ai écrit ma première chanson. »

Après les traditionnels petits boulots (coursier, vendeur, plongeur), il fait la manche dans les rues avec un copain accordéoniste avant de tâter du café-théâtre. « Ça marchait bien. On chantait Piaf, Bruant. Les gens étaient surpris que deux petits jeunes aux allures de hippies proposent autre chose que les « tubes » du moment. Ça leur rappelait leur jeunesse et nous on se faisait pas mal de fric. »

Aujourd’hui, Renaud ne chante plus dans les rues. Il a atteint le Zénith. Après en avoir essuyé les plâtres en janvier 1984, il y sera à nouveau du 25 février au 23 mars prochains. « Avec Bobino, ce passage au Zénith restera comme l’un des plus grands moments de ma carrière. J’espère que celui-ci marchera aussi bien que le précédent. Je ne donnerai pas dans le gigantisme. Tout juste essaierai-je de bouger un peu plus que d’habitude. Les somptueux éclairages de Jacques Rouverollis feront le reste. »

Ambassadeur de la chanson française, Renaud se produit également à l’étranger. C’était le cas en juillet dernier à Moscou, où il était l’invité des Jeunesses communistes. « Sur tous les plans, ce fut plutôt décevant. J’avais envie de découvrir ce pays, de faire un peu de tourisme. Impossible. A de rares exceptions près, j’étais toujours encadré. Sur le plan professionnel, quel ne fut pas mon étonnement lorsque, au cours d’une interview avec un journaliste moscovite, celui-ci demanda à notre interprète si je pouvais retirer mes bagues et cesser de fumer!… J’ai donné trois spectacles. Le premier et le troisième se sont à peu près bien déroulés. En revanche, le deuxième avait lieu dans le grand théâtre de verdure du parc Gorki, qui contient dix mille places. A Paris, lors des pour parlers, on m’avait promis que je pourrais interpréter l’intégralité de mon répertoire, J’ai donc chanté « Le déserteur ». Aussitôt, les gradins se sont vidés et les projecteurs se sont « promenés » sur les sièges vides. Le procédé m’a paru pour le moins étrange, sachant que ce gala était télévisé et que le système des places gratuites ressemblait plutôt à des laissez-passer : il y avait très peu de jeunes parmi les invités. »

Tout cela est dit sans agressivité. Sur un ton presque monocorde. Mais visiblement, Renaud en a gros sur le cœur. Il a l’impression de s’être fait flouer. En juin prochain, il sera à New York où il participera à un festival réunissant également Jacques Higelin et Touré Kunda. Des artistes qu’il connaît bien, puisqu’ils étaient à la Courneuve avec « Les chanteurs sans frontières ». Un échec qu’il ne dissimule pas : « J’étais sûr du coup. L’organisation était défectueuse. Personnellement, lorsque je prépare quelque chose – le Zénith par exemple -, je m’y prends six mois à l’avance. Là, tout a été bâclé en moins d’un mois. Nous étions certains d’aller au casse-gueule. Seulement, nous avons été mis devant le fait accompli et nous ne pouvions plus reculer. D’autre part, il ne faut pas oublier que les places étaient beaucoup trop chères. Autant j’étais heureux d’être à l’origine du disque, autant je n’étais pas d’accord avec le concert. Du moins, dans des délais aussi brefs. Cela dit, contrairement à la rumeur, les organisateurs n’ont pas perdu d’argent. Ils n’ont pas fait de bénéfices, mais pas de déficit.»


Loubards, bourgeois l’applaudissent

A la fin de l’une des chansons de son nouvel album, « Baby sitting blues », on entend la voix de Lolita, sa petite fille, qui aura bientôt quatre ans. Il a connu sa maman, Dominique, au café-théâtre, « La veuve Pichard » (en face du « Rendez-vous des amis »). Elle lui donnait la réplique dans « La revanche de Louis XI ». Il aimerait bien adopter un petit frère ou une petite sœur pour Lolita, un petit Noir, un petit Vietnamien ou un petit Colombien, mais Dominique préférerait goûter à nouveau aux joies de la maternité et de l’accouchement. « C’est un débat difficile. Mais nous finirons bien par nous entendre. L’idéal ? Trois enfants. »

Tel est Renaud. Une sorte de phénomène qui se fait applaudir par les loubards et les bourgeois et qui compose avec sincérité.

Il reste insaisissable, récupérable par aucune (…) coteries ou des band (…) composent le publique (…) homme du spectacle (…) vrai, pour qui l’art (…) métier se confondent.

Un millionnaire (…) que que l’argent n’a pas changé (seul signe (…) de richesse : un bateau à voile), qui dévore les journaux, regarde beaucoup la télévision, y compris le jeu de la vérité (…) nement, il en (…) mais comme (…) refuse à pass (…) tion. Pour lui, (…) sion est synonyme (…) nal. Et il de (…) naux.

   

Source : Journal inconnu