Renaud, l’enfant perdu

MONNART ISABELLE Publié le – Mis à jour le 

LIVRES – BD   D’ordinaire, il est sacrilège de raconter la fin d’un livre. Mais, pour le coup, on a le droit : les derniers mots de l’autobiographie de Renaud parlent de demain, du futur, d’une tournée qui s’annonce. « Qui sait ce que les dieux nous réservent ? » , dit-il, évoquant la proposition faite à son ex-femme, Dominique, de convoler à nouveau…

Avant d’en arriver là, pourtant, il lui en aura fallu du courage pour accomplir ce chemin vers son enfance et se confronter à nouveau à tous ses démons. Oh, bien sûr, il y a eu des moments heureux, follement. De l’insouciance, de l’amour, au milieu d’une fratrie de cinq, soudée. Mais quand, vers 10 ans, il découvre que papa a eu une autre famille avant, que son aînée n’est que la moitié d’une grande sœur et qu’il y avait aussi un frère, mort à 12 ans sous les bombes américaines, en Normandie, quelque chose se fissure. Idem quand, quelques années plus tard, lui pète à la figure la bombe lâchée par son grand frère. Oscar, son grand-père, son héros, militant communiste, a rejoint le Parti populaire français (PPF) pendant la Seconde Guerre, quand papa travaillait pour Radio Paris. Deux hommes profondément de gauche, que l’Histoire a forcés à pactiser avec l’ennemi. Si Renaud n’en parle pas, il est ébranlé par ces révélations. C’est peut-être pour ça qu’il monte sur les barricades avec autant d’ardeur, en mai 1968.

La femme de son pote

Sans rien cacher de ses premiers bides et râteaux, il se raconte, avec la gouaille qu’on lui connaît. Le lire, c’est l’entendre. D’autant que son livre est parsemé de courts extraits des tubes qui ont émaillé sa – et nos – vie(s). Il raconte l’amour de sa vie, qu’il pique à Gérard Lanvin, leur fille Lolita, le succès. Presque trop. Il essaie de comprendre ce qui, un jour, le plongea dans une crise de paranoïa – suite à un voyage à Cuba, il se croit poursuivi par le KGB – dont il ne se sortira que dans l’alcool. La machine infernale est en marche… C’est à Bruxelles, en 2015, à la clinique Sainte-Elisabeth, puis au studio ICP, qu’il parviendra, enfin, à l’arrêter. Pour mieux redémarrer, enfin.I. M.

« Comme un enfant perdu », Renaud Séchan, XO; 305 pp., env. 19 €.

Monnart Isabelle

 

Source : La Libre