Le nouvel album du compositeur alterne romances fleur bleue, chansons touchantes et couplets rebelles à gros traits
Rouge Sang de Renaud
Retour gagnant pour Renaud ? Fin 2005, le chanteur « énervant » a fait son entrée dans le Petit Larousse. Cette forme de reconnaissance s’inscrit dans le cycle d’une carrière de trente ans, marquée par une suite de tournants plus ou moins réussis. Il y a quatre ans, l’album Boucan d’enfer marquait avec succès (plus de deux millions de disques vendus) la sortie des années noires, de la déprime et de l’alcoolisme. Rouge sang, l’album qui sort lundi 2 octobre, donne de bonnes nouvelles du chanteur Renaud mais de moins bonnes sur l’état de la planète.
L’inspiration est visiblement de retour, sous le registre de l’abondance. L’album Rouge sang affiche dix-sept titres dans la version simplifiée et devait en compter vingt-six dans un premier temps. Artiste double, une face sombre, une autre moins, Renaud garde le cap. Sans convaincre tout à fait. Faute d’avoir concentré son écriture qu’il sait facile.
Premier volet : Renaud, papa chanteur et mari confiant son bonheur avec sa nouvelle tribu. Renaud n’a jamais manqué de se raconter au fil des disques. Avec pas moins de six chansons consacrées à Romane Serda, sa femme, le chanteur qui parlait il y a quatre ans de « cœur perdu » distille la chanson d’amour pour sa blonde.
Ses têtes de turc du moment : les bobos
Ce cycle Romane, côté fleur bleue, ouvre une chronique familiale tenue à jour depuis les débuts : une chanson pour sa grande fille, Lolita. Adieu l’enfance a les accents du Renaud vulnérable, dans la suite du classique Mistral gagnant et, plus récemment, Elle a vu le loup. Il y a encore les mots justes pour évoquer les « vieux parents » : « M’arrive même, quand je suis loin d’eux de prier le Bon Dieu, ce grand mystère planqué dans les cieux des gens malheureux. »
Ou encore ce message sensible pour Elsa, une jeune femme dont le frère s’est suicidé. Sans oublier la carte de visite écrite pour son fils, Malone, « T’apprendrai à écrire, pour chanter tes colères, et pour voir ton sourire illuminer la terre. »
Second volet, le Renaud qui a retrouvé son « flingue », une plume comme « arme de poing » et une « guitare en embuscade ». Âmes sensibles s’abstenir. La chanson J’ai retrouvé mon flingue affiche vingt-cinq couplets, catalogue des allergies de l’ami de José Bové (à qui est dédiée la chanson Pas de dimanches).
Dans l’album précédent, le huguenot citoyen du monde se disait « oublié des hommes et de Dieu ». Désormais, il se défoule sur les évangéliques nord-américains et salue l’abbé Pierre, en pompier de la charité. Rouge sang, qui donne son titre à l’album, manque d’originalité. Renaud en fait encore des tonnes pour dénoncer les foules dites sentimentales réunies par Souchon.
Tout y passe, de la « téloche » aux fachos rêvant d’ordre nouveau. Renaud avait annoncé un album plus altruiste, dont la chanson Dans la jungle pour Ingrid Bétancourt est le symbole. Voici encore la charge, plutôt gentillette, contre ses têtes de turc du moment, les bobos ou bourgeois-bohème, une population qu’il rejoint, au final, aux côtés de Vincent Delerm (pour voir le clip des Bobos, cliquez ici). Les deux compères ont d’ailleurs décidé de s’associer pour leur promotion dans une série de clips humoristiques (pour voir certains de ces clips, cliquez ici).
Robert MIGLIORINI
***
A signaler : Renaud raconté par sa tribu, de Jean-Louis Crimon et Thierry Séchan (un de ses frères), éditions l’Archipel, 216 p., 17,95 euros et Les Manuscrits de Renaud, une somme établie et commentée par Jacques Erwan, à paraître le 19 octobre aux éditions Textuel, 352 p., 54 euros.