Par TéléObs
Dans « Un jour, un destin », ce soir à 22h15 sur France 2.
Aux dernières nouvelles, Renaud allait plutôt mal après son deuxième divorce, isolé dans sa vaste demeure de Meudon achetée à l’héritière Darty, épouse de Jean Sarkozy. Une maison dotée d’une salle de gym et même d’une boîte de nuit. Il n’en a certainement rien à faire de ces aménagements bling-bling, lui qui préfère les banquettes de moleskine de la Closerie des Lilas où il est si plaisant de refaire le monde. L’artiste ne serait plus que l’ombre de lui-même, aspiré par « le trou jaune du Pastis », confesse Thierry Séchan, son frère et biographe.
Simon Thisse retrace grosso modo la vie du chanteur en s’arrêtant sur les croche-pieds du destin qui auraient petit à petit causé son malheur et alimenté sa colère. Mais le documentaire débute par une erreur ou plutôt un raccourci. Le père de Renaud, Olivier Sechan, y est simplement décrit comme « un écrivain pour la jeunesse » alors qu’il méritait à lui seul un chapitre d’« Un jour, un destin ». Ecrivain pluriel – pour la « Bibliothèque rose » et la « Bibliothèque verte », entre autres – Olivier Séchan était aussi germaniste. Sous l’Occupation, au micro de Radio Paris, il traduisait les communiqués de la Wehrmacht. Comment Renaud l’a-t-il appris ? Qu’en pense-t-il, lui l’artiste engagé ? Le documentaire ne le dit pas, comme si cette histoire-là n’avait pas sa place dans le film.
Il est question, en revanche, des époux Séchan en 1962 : ils participent, le 8 février, à la manifestation interdite contre l’OAS et la guerre d’Algérie quand, matraque en main, les forces de l’ordre pénètrent dans la bouche du métro Charonne où se sont réfugiés des manifestants. Bilan : 8 morts et plus de 200 blessés. Le soir venu, les parents, traumatisés, racontent l’épisode à leurs enfants. Pour eux l’insouciance s’arrête là. Quand Mai-68 éclate, les enfants Séchan sont sur les barricades. Renaud prend part aux réunions du Comité Gavroche, récitant des sketches qui amusent ses amis. Il écrit sa première chanson, « Crève salope », qui s’achève par une charge contre le père – qui le prend assez mal. Renaud quitte le domicile familial et entame sa carrière sous l’aile protectrice des joyeux drilles du Café de la Gare et le regard bienveillant de Coluche.
Habillé en Gavroche, il fait sa première télé chez Danièle Gilbert en 1975 avec « Camarade bourgeois ». C’est peu dire que son attitude et ses propos détonnent. Transformé en loubard avec son blouson de cuir noir « symbole de révolte et de violence », Renaud connaîtra bientôt le succès avec « Laisse béton ». Il devient l’anarchiste millionnaire, autant adulé que raillé. Railleries dont il souffre au point de se planquer dans sa grosse Mercedes de tournée, de crainte d’être vu dans ce symbole du capitalisme.
Arrive dans le documentaire un curieux chapitre sur l’aventure maritime du chanteur. Renaud s’est fait construire un grand voilier pour faire le tour du monde avec sa femme Dominique et leur petite Lolita. Le mal de mer venant rapidement à bout du rêve, le bateau finira à la casse. L’épisode « Renaud chez les Soviets » est plus intéressant. En bon camarade, Renaud est excité à l’idée se produit lors du Festival mondial de la Jeunesse à Moscou. Mais, d’entrée de jeu, il comprend que les bonnes âmes qui l’entourent de mille précautions sont des agents du KGB.
Et Renaud débute le concert face à un public qui s’ennuie. Il rame jusqu’au moment où il entame fièrement sa chanson antimilitariste. De la scène, il voit les gens partir par centaines, silencieusement mais sûrement. Dès son retour en coulisses, il entre dans une rage folle contre sa propre naïveté. Sa blessure narcissique est si profonde qu’il devient comme fou, persuadé qu’on cherche à le tuer. La paranoïa s’empare de lui et laissera des traces. Arrivé au chapitre consacré au tournage de « Germinal », on a déjà un peu décroché. Le documentaire que Simon Thisse consacre à Renaud est une invitation à zapper.
Sophie Delassein
Source : TéléObs