par Thierry Haupais
publié le 25 avril 2006 à 20h57
Renaud Premier article sur le «loubard de pacotille». A cette époque, les hostilités entre le chanteur et le journal ne sont pas encore déclarées… Thierry Haupais, le journaliste qui signe ce papier, deviendra éditeur de musique quelque temps après. |
Aux Blancs Manteaux à 20h 30
14 novembre 1977
Une gueule de poulbot, des tifs blondasses, un perfecto sur le dos, le rictus fouinard et l’accent parigot. Le gus en question s’appelle Renaud. Frimeur de première, il roule des mécaniques chaque soir à 20 h 30 sur la scène des Blancs-Manteaux. Loubard de pacotille, il chante les aventures minables de tous ces tordus des périphéries : les marlous. «J’veux chanter l’humour et la tendresse qu’il y a chez ces gens et même, à la limite, ridiculiser ce côté agressif James Dean qui me fait souvent chier… J’suis loubard par romantisme, par folklore, c’que j’aime, c’est le côté cow-boy du macadam. J’essaie de démystifier le marlou pour le rendre plus sympa et aussi parce que j’en ai un peu peur.»
Avec son allure de zonard, Renaud a tout de la symbolique rocker. «Sauf que, dit-il, le rock’n roll, j’ai bien envie, mais je sais pas.» Alors il joue du musette accompagné à la guitare par Michel Roy et à l’accordéon par Guillou : «J’ai été bercé pendant mon enfance par cette musique», se justifie-t-il. Pas la peine, le bandonéon et le tango, on a beau dire, ça reste le blues du Parigot !
Son tube ? Laisse béton. Un hymne au verlan (verslen-l’envers), à la baston, aux châtaignes et aux marrons. Sa passion : être une minorité nationale à lui tout seul : «J’suis l’séparatiste du XIVe arrondissement ; j’suis l’autonomiste de la porte d’Orléans.» Son moyen de transport favori : la meule.
Durant son tour de chant, Renaud dégomme tout ce qui ferait, paraît-il, le charme de l’adolescence : les booms, les bandes, la drague, la cogne. Il le fait avec suffisamment d’humour et de tendresse, comme en témoigne le disque qu’il vient d’enregistrer chez Polydor, pour que vous vous remuiez les miches, un de ces soirs, et alliez jeter un œil. Faites gaffe à vos larfeuilles.
Thierry Haupais