N° 2907, du 17 au 23 mai 2002
Dans une émouvante interview, il vient de raconter son terrible combat
Le regard bleu délavé, la barbe hirsute et l’inévitable blouson de cuir… le temps semble passer sans s’attarder sur le rebelle au cœur tendre de la chanson française, éternel « titi » parisien…
Pourtant, le 11 mai dernier, Renaud a fêté son… cinquantième anniversaire ! Et, pour célébrer comme il se doit son demi-siècle d’existence turbulente, le chanteur met fin à quatre ans de silence et d’absence. En effet, le 28 mai sortira son nouvel album, intitulé Boucan d’enfer (chez Virgin).
Un album où, fidèle à lui-même, il évoque les misères du monde, mais surtout, et pour la première fois, les siennes ! Car, aussi stupéfiant que cela puisse paraître, ce gavroche gouailleur et rigolant, ce « professeur de joie de vivre » a lui-même connu une épouvantable descente aux enfers.
Bien sûr, en 2001, lorsqu’il était apparu sur la scène de l’Olympia, afin d’y recevoir un Victoire d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, on lui avait trouvé les traits fatigués, le regard un peu vague et fuyant…
J’étais bouffi, je ne me reconnaissais plus dans une glace
Le 17 février 2001, Jean-Luc Delarue remettait une Victoire à un Renaud méconnaissable…
Aujourd’hui, je suis devenu un buveur d’eau
Et c’est à ce moment que l’on avait commencé à évoquer de possibles problèmes avec l’alcool ; bruits alarmants dont nous nous étions d’ailleurs fait l’écho. Mais personne, non, personne, n’avait mesurer, alors, l’ampleur du combat que le chanteur était en train de livrer.
Aujourd’hui, dans une émouvante interview accordée au Parisien, Renaud parle à cœur ouvert de ces longues années passées à n’être plus que l’ombre de lui-même.
« Après la sortie de La Belle de mai (en 1994), j’ai vécu entre les quatre murs d’un bistrot parisien à m’étioler. Bouffi d’alcool, je ne me reconnaissait plus dans une glace, ma voix était pourrie par les excès de nicotine », avoue-t-il avec le courage et la franchise dont il ne s’est jamais départi.
Ses excès sont alors tels que le chanteur frôle de peu la catastrophe. « Le pastis est un poison. Ça bousille les neurones, c’est pas bon pour le foie, j’en sais quelque chose. J’avais des analyses inquiétantes, dans la zone rouge. Aujourd’hui, je suis devenu un buveur d’eau ! » jure-t-il, en se félicitant d’en être sorti indemne.
Désormais, miraculé de l’enfer de l’alcool, il n’arrive toujours pas à comprendre les raisons précises qui l’ont irrémédiablement poussé à se réfugier dans la boisson.
Fuite
Quelle terrible réalité Renaud avait-il à fuir, puisque, à cette époque, il avait apparemment tout pour être heureux : Dominique, son grand amour, Lolita, sa fille adorée, et le succès qui couronne sa passion pour la musique…
« Peut-être à cause d’un spleen, d’une nostalgie de mes 20 ans, tente d’expliquer cet homme à la sensibilité exacerbée. Le fait de voir ma fille grandir et passer à l’âge adulte, de voir les années qui s’écoulent à vitesse supersonique. De voir des gens que j’ai tellement aimés disparaître autour de moi, souvent avant l’heure. »
Chagrin d’amour, excès de médicaments, tout l’entraînait dans une spirale infernale…
S’enfonçant de plus en plus dans le brouillard de son chagrin, Renaud n’a pas conscience qu’il est en train d’abîmer définitivement ce qui lui reste de plus beau : sa famille.
« Je n’ai pas commencé à me mettre minable quand mon épouse m’a quitté, mais mon épouse m’a quitté parce que je me mettais minable depuis quelques temps », reconnaît-il.
Un épouvantable gâchis qui, au lieu de provoquer une brutale remise en question, ne fait que l’entraîner un peu plus loin dans cette spirale infernale : « Entre le manque d’idées, le chagrin d’amour et les mauvais médicaments, je suis entré dans un processus d’autodestruction, moi qui ne suis pas suicidaire », poursuit-il.
Tout ça, c’est heureusement du passé, car aujourd’hui, Renaud renaît ! Mais on se souviendra que les gavroches ont, eux aussi, le cœur fragile…
Daphné DE GIVRY
Source : France Dimanche