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Dix ans après Rouge sang, son dernier album original, Renaud est de retour avec un nouveau disque, à sortir vendredi, où l’on retrouve sa patte toute personnelle. Rencontre
Un soleil printanier baigne d’une lumière douce le petit bar du studio d’enregistrement Ferber, l’un des plus réputés de Paris pour sa qualité et sa convivialité.
Renaud est là, entre les mains d’une maquilleuse. Barbe taillée, cheveux mi-longs, boucle d’oreille en pendentif, tee-shirt vert émeraude, jean délavé, boots en daim et cuir noir « Indian ». Il est en forme, loin des images furtives de l’homme dépressif, voûté et vieilli, vues ces dernières années dans des magazines people.
Cela fait quatre ans que le chanteur ne vit plus à Paris. Il préfère le soleil de Provence et sa maison de l’Isle-sur-la Sorgue. « Je viens d’y passer des années un peu noires, avoue-t-il avec toujours une grande franchise. J’avais tendance à abuser des produits régionaux, enfin surtout du pastis. Ça rendait les gens malheureux autour de moi. »
« Quelque chose de miraculeux »
Renaud vivait dans un mutisme sans goût ni joie, sans jus ni projet. « Des fans venaient me voir, parfois un peu envahissants. Pour des témoignages d’affection qui me donnaient envie de repartir. Mais je n’étais pas en état. »
Une simple visite, qui a valu son pesant de bandanas, a marqué le début de sa renaissance. Le slameur Grand Corps Malade est venu lui demander une chanson, pour son propre album. Il n’était pas le premier à tenter sa chance. Mais lui, avait une astuce, un exercice imposé. Le texte devait intégrer un bout de phrase: « Il nous restera ça. »
Renaud s’est pris au jeu. Il a écrit Ta batterie, texte adressé à son fils Malone, 10ans. « Il s’est passé quelque chose de miraculeux, de magique »,confie-t-il. Ce nouveau titre, il l’a chanté sur le disque de Grand Corps Malade, d’une voix encore de casserole.
Arrive l’attentat contre Charlie Hebdo. Renaud y perd des amis. Il reprend la plume. C’était reparti pour de bon. Un peu plus d’un an après, l’album est là. Pas moins de six chansons évoquent l’enfance ou l’adolescence. Pas un hasard. Sa tristesse chronique, il l’explique lui-même par sa mélancolie de l’enfance et la perte d’amis chers.
La splendide Héloïse conte la promenade d’un grand-père à Venise, avec sa petite-fille et sa maman, une certaine… Lolita. On retient aussi la dramatique Dylan, garçon de 16ans dont la vie s’est arrêtée à la sortie d’une discothèque. Et la romanesque Mulholland Drive, qui voit une jeune Américaine prendre la route pour échapper à une famille médiocre. « Pour une fois, je n’ai pas placé l’histoire à Argenteuil ou à La Courneuve, mais à Los Angeles. »
Pas de chansons politiques ou rebelles sur ce disque, comme s’il n’était pas encore prêt pour repartir au combat… Il ose même écrire, lui, l’ancien anar, J’ai embrassé un flic, en référence aux manifs de l’après-Charlie. « Parce que ce jour-là, les flics avaient l’air chagrinés et solidaires. J’en ai pris un dans mes bras pour lui dire : « Merci mon frère ! » » Pas de rock non plus, mais beaucoup de ballades, avec une majorité de musiques composées par l’un de ses guitaristes de tournée, Michaël Ohayon, bombardé réalisateur de l’album, qui a tout de suite collé au style Renaud. « Je suis de moins en moins compositeur, contrairement à mon gendre Renan Luce, qui a écrit trois musiques. »
Un des plus beaux titres s’appelle Les mots, un hommage à l’écriture. « Les mots, c’est ce qui berce, guide ma vie. » Quant à La vie est moche et c’est trop court, aux accents autobiographiques, il le dit lui-même, c’est peut-être sa chanson la plus triste. Au passage, il alerte, dans Mon anniv, que s’il y a quelque chose qu’il ne supporte pas, c’est qu’on lui souhaite son anniversaire: « Un coup de poignard dans ma jeunesse, un pas de plus vers la mort. »
« Une pêche d’enfer! »
L’album a été enregistré à Bruxelles, où il s’est refait une santé, aidé par un séjour de deux semaines en clinique. « L’alcool m’a détruit, a détruit mes cordes vocales. Je n’arrivais pas à chanter. J’ai arrêté de boire depuis plus de six mois. Les médecins ont découvert que j’avais un taux de potassium tellement bas que je risquais l’accident cardiaque. On m’a soigné. Ma voix n’est pas complètement revenue mais quand je chante, c’est mieux. Elle se décrasse, se désenfume. »
Il s’est même racheté une moto, une Indian. Et on le retrouve donc, ce jour de mars à Paris, requinqué, à interpréter quelques chansons pour un film de promotion, devant deux caméras.
Bon, il n’a pas lâché la cigarette. À chaque pause, il s’écarte pour s’en allumer une, fumant comme un pompier. Mais il fait du sport. « De la gym ! Et je mange sainement, trois repas par jour, arrosés d’eau minérale, alors qu’avant je ne faisais que picorer. J’ai une pêche d’enfer ! »
On croise les doigts. Cette deuxième renaissance sera-t-elle la bonne? Aujourd’hui, il se projette déjà dans un autre album: « J’attendrais pas dix ans. Mais là, j’ai hâte de retrouver, chaque soir, l’amour des gens. »
Il se pourrait bien que, sur scène, il nous présente quelques-uns de ses personnages, comme Manu ou la mère à Titi… sous forme d’hologrammes! « Vous pouvez vous attendre à du merveilleux… »
Renaud, Parlophone, 13 titres.
Repères
1952. Naissance de Renaud Séchan à Paris.
1971. Comédien au Café de la Gare.
1975. Premier 33 tours, Amoureux de Paname.
1985. Mistral Gagnant, deux millions d’exemplaires vendus.
2002. Boucan d’enfer signe son premier retour.
2016. Renaud
Source : Ouest-France