Renaud n’est qu’amour

RFI Musique

Malgré ses imperfections, on s’était réjouit de son précédent album, Boucan d’enfer. Il marquait le retour à la vie de Renaud. Rouge sang ne bénéficiera peut-être pas du même élan de sympathie. Malgré sa pochette originale signée Killofer, l’ensemble des chansons souffrent d’un manque d’allant. Mais si le chanteur déçoit, l’homme en revanche séduit.

Rouge Sang est son épître

Malgré ses imperfections, on s’était réjouit de son précédent album, Boucan d’enfer. Il marquait le retour à la vie de Renaud. Rouge sang ne bénéficiera peut-être pas du même élan de sympathie. Malgré sa pochette originale signée Killofer, l’ensemble des chansons souffrent d’un manque d’allant. Mais si le chanteur déçoit, l’homme en revanche séduit.

Comment avouer à un chanteur que l’on a adulé, que son dernier album nous déçoit ? Comment lui dire sans encourir son courroux ou pire, le blesser ? Alors, on louvoie. On tente un « vous n’avez jamais eu vraiment de style musical, mais là, depuis deux albums, vous restez dans un registre pop-rock… » Il le reconnaît : « Il y a parfois un peu trop de slide guitare, ce qui donne un son ‘vieux rock années 1980 californien’ qui me plaît aussi. Ce serait à refaire, j’en remplacerais par de l’accordéon. »

Diable ! La critique est donc permise, on s’enhardit. Lorsqu’on écoute un des 17 titres de Rouge sang (25 pour l’édition double), on finit toujours par penser à une de ses anciennes chansons. Ça ne l’agace pas ? « Si on considère que c’est un plagiat en moins bon de l’original, ça ne me dérange pas. Et puis c’est vrai que mes chansons tournent en rond toujours sur les mêmes thèmes. Mais j’espère que celles d’aujourd’hui sont aussi bonnes. Je n’ai pas l’impression de radoter contrairement à ce que peuvent dire mes détracteurs. »

Clope sur clope

Renaud a le bon goût de nous éviter la sérénade du chanteur en promotion. Du genre mon dernier album, c’est le meilleur et surtout mon préféréIl parle juste comme un père de ses enfants. Il les aime ses textes, ses mélodies, il veut seulement les voir grandir. Ses yeux s’animent. Renaud ne ressemble absolument pas à l’ogre un peu bourru que l’on pourrait imaginer. Malgré sa carrière, il semble le plus intimidé des deux. Lors de l’interview, il enchaîne clope sur clope, agrippe son paquet dès qu’il s’empêtre dans une réponse. Il joue à fond l’humilité. À se demander s’il ne s’agit pas d’une vile stratégie de séduction. Mais à quoi bon ? Avant même sa sortie, Rouge sang est assuré d’être au moins certifié double platine (500 000 exemplaires).

@ r. dumas

Renaud chante comme il parle, avec son débit caractéristique, comme s’il voulait terminer chaque phrase d’un coup de menton. Une marque de fabrique, encore accentuée sur Rouge sang, qui en horripilera plus d’un… Mais en en faisant fi, on sera touché par Elsa, l’histoire vraie et déchirante d’une famille, très proche du chanteur, dont le fils s’est suicidé à 20 ans. Par moment, Renaud retrouve de sa sève d’antan, celle gorgée de mauvaise foi hilarante, comme sur Arrêter la clope !

En revanche, ses coups de gueule, quoique sincères, restent convenus. On regrette même une charge excessive sur Elle est facho, où Renaud y va à la truelle. Il s’en amuse. L’œil pétille : « C’est une chanson fantaisiste, totalement caricaturale. Je me fous de la gueule d’une électrice lambda du Front National en lui collant tous les clichés. J’allais pas développer une thèse comme un sociologue, je suis allé au plus drôle. Ce que j’ai fait il y a 20 ans avec Mon beauf. » La dernière phrase fait jaser, le chanteur « énervant » conclut par : « et elle vote Sarko ».  Une chute improvisée en studio et conservée parce que ça le faisait marrer, lui et son équipe. « Est-il incohérent d’imaginer qu’un électeur du Front National vote Sarkozy au second tour de l’élection présidentielle en cas d’affrontement avec la gauche ? »

Ma femme, ma muse

Mais la principale source d’inspiration de Renaud reste sa femme, Romane Serda. De manière ingénieuse et concluante sur Ma blonde ou Danser à Rome, digression sur tous les anagrammes possibles du patronyme de sa compagne ; voire de façon osée dans Je m’appelle Galilée, le chanteur explore le corps de son aimée, jusqu’à des voies habituellement inavouables. « Je chante ce qu’il y a au fond de ma tête, mon cœur et mon lit », reconnaît Renaud, intarissable au sujet de sa dulcinée.

@ r. dumas

« J’en ai peut-être trop fait sur elle dans cet album, mais après quelques années au fond du trou, j’avais envie de chanter, d’une manière sans doute excessive, mon bonheur retrouvé et l’amour que je partage avec cette femme. »

Renaud verse de l’argent aux orphelins de la Police : « Pourquoi, ce ne sont pas des orphelins comme les autres ? » Il va bientôt s’expatrier à Londres pour la quiétude de sa famille, mais paiera toujours ses impôts en France, par « solidarité élémentaire ». Sa voix s’alourdit lorsqu’il évoque Franck Langolff, son compagnon compositeur récemment disparu. Derrière le provocateur, l’homme se révèle, sincère, sensible, certainement à outrance. Une particularité qu’il conserve intacte malgré les coups et les épreuves. Alors, même si ce Rouge sang ne convainc pas toujours, l’homme nous a tellement fait rêver, il a l’air tellement heureux, qu’on ne peut que l’aimer.

Renaud Rouge sang (EMI) 2006
En tournée en France à partir de février 2007

Par : Ludovic Basque

  

Sources : RFI Musique et Le HLM des Fans de Renaud