Renaud, niveau zéro

NosEnchanteurs

Ajouté par Michel Kemper le 11 juillet 2020.

Renaud (photo non créditée)

Je plains le fan au seul fait qu’il soit fan. Il m’attriste, me déconcerte. Comment peut-on, au prétexte qu’on aime quelqu’un, abdiquer à son profit tout jugement, tout discernement, tout libre arbitre, toute trace d’intelligence. Tiens, un peu comme en Corée du Nord…

Fan est le diminutif de fanatique. On est fan d’un chanteur – forcément une star ! – d’un acteur, d’un présentateur à la téloche, d’un sportif… D’un homme politique même. Imaginez les fans de Jair Bolsonaro, le génocidaire fou de la forêt amazonienne et des Indiens qui la peuplent, inquiets de la santé de leur président tout en étant persuadés qu’il n’est atteint que d’une grippette.

Imaginez les fans de Zemmour, d’Hanouna, de Bigard, de Dieudonné, de Ramadan, de Benalla… De Mylène Farmer, de Gyms, de Dion, de Lavilliers, de Ferré même… Je vous le dis, je plains les fans. Tous les fans.

Je suis de ceux qui tiennent, ou ont tenu, Renaud pour chanteur important. L’Histoire dira un jour sa juste place dans la chanson française, son exacte contribution. Le temps de l’Histoire n’est pas celui du biznesse qui, lui, fait son gras sur l’instant, se gave dès qu’il peut, autant qu’il peut, quitte à pressurer un chanteur en sursis. Les grandes années de Renaud se conjuguent au passé. Il a coulé de l’eau sous les ponts ; il en a coulé dans l’anisette. Comme artiste, Renaud n’est même plus l’ombre de lui-même : il n’est objectivement plus grand’chose. Mais représente toujours un potentiel commercial des plus juteux. Peu importe la qualité : il vend. Et, au passage, fait bouffer pas mal de monde.

Renaud vient de faire une chanson d’après confinement : le milieu de ses fans est comme à chaque fois en ébullition, en béat émerveillement. Rien que d’en faire une nouvelle prouve si besoin est que l’autoproclamé « chanteur énervant » est, contre toute attente, toujours de ce monde. Et c’est peut-être ça que l’on célèbre plus que cette chanson poussive aux rimes indigentes, niveau sortie de CE1, à peine entrée en CE2. Car, par Corona song, Renaud s’ébroue dans le médiocre, enfile les clichés les plus éculés où chien rime avec pangolin, Chabot avec Bachelot, blaireaux avec McDo et, fin du fin, « salaud de virus » avec Coronavirus : le niveau zéro de la chanson. Faire pire est difficile. Renaud sait-il encore qu’il chante, et ce qu’il chante ? Sait-on que, naguère, on l’a pris pour l’héritier de Villon et de Brassens, ce qui n’est pas rien…

Les amateurs de chanson, ceux qui savent ce que chanson veut dire, seront à nouveau consternés, pas de cette pitoyable chanson (tout un album devrait logiquement suivre), mais de ce qu’est devenu ce chanteur envers lequel ils ont gardé grande estime. Ce Renaud, jadis tué par Renard, cette dépouille que les marionnettistes du chaud biznesse ressortent à chaque fois qu’il convient de faire du cash. Et les fans écervelés applaudissent : c’est ça, en fait, qui me semble le plus consternant.

Ce que NosEnchanteurs a déjà dit sur Renaud, c’est ici.

Pour rappel, une autre chanson sur le même sujet, autrement plus travaillée :

Pierre Perret « Les confinis »

 

  

Source : NosEnchanteurs