FORCES PARALLÈLES
CHRONIQUES ÉLECTRIQUES
Par MARCO STIVELL le 9 Janvier 2018
Quand on n’a pas aimé le dernier album d’un artiste qui ne nous passionne plus depuis 15 ans, mais dont on réécoute toujours les anciennes œuvres (du moins, avant 2002) avec le même plaisir, que peut-on espérer ? Un sursaut, un frisson, un sourire, quelque chose nous faisant ignorer la véhémence de certaines personnes qui disent sans mal ce qu’elles pensent mais qui vont toujours un peu trop vite en certifiant un avis de décès, du style Renaud est mort et enterré.
Non, il n’est pas mort, et pendant son Phénix Tour, il chante toujours ses vieilles chansons, c’est son point fort. Le dernier album ? Aussi vite oublié qu’écouté (ressenti personnel bien sûr), mais avec là encore toujours deux ou trois petites choses à secourir. Ici, ce sont « Les mots » surtout, et « Héloïse », auxquelles on peut ajouter l’inévitable « Toujours debout » qui, si elle est loin d’être une grande chanson, garde un caractère efficace et plutôt bien placé en ce début de concert. À l’inverse, le fait d’insérer « La vie est moche et c’est trop court » au milieu des grands classiques, c’est une manière maladroite de rappeler que l’album de 2015 existe quand, précisément, on aimerait ne plus y penser.
Si vous avez vu le mot ‘chanter’ passer quelque part, normalement cela vous a choqué. Il y a de quoi, mais dites-vous que toutes les fois où vous avez critiqué RENAUD sur cet aspect, c’était encore exagéré avant de critiquer ce live. Après son écoute, vous aurez vite envie de remettre Molly Malone, où la voix cassée et fatiguée s’accordait bien avec le concept et la texture musicale. Lors du Phénix Tour(fi], en écoutant les vieilles chansons, vous allez pleurer. Notamment pour la surprise de taille, « C’est mon dernier bal » -une de celles que je n’ai jamais aimées-, le Renard raille plus qu’il ne braille, et désolé si ce jeu de mot vous paraît nul, vous penserez bien ce que vous voulez de l’interprétation.
Reste le bonheur (s’il en est) d’entendre RENAUD tel quel en train de continuer à faire vivre ses chefs-d’œuvre, les incontournables « Manu », « Mistral gagnant », « La pêche à la ligne », « Marchand de cailloux », et le reste réuni en medley. De nous ressortir « Les aventures de Gérard Lambert », l’autre grande inattendue, climax musical avec trompette et tout, comme il avait ressorti « Germaine » en 2002, « Déserteur » en 1995, « La bande à Lucien » en 1992, etc. De l’entendre déconner entre deux chansons, quitte à dire qu’il fait du rock en mentionnant une seule chanson bien oubliée celle-là, « Chtimi rock ». Cependant, le tacle à John LENNON et son avis sur le rock français fait retomber un brin la sauce. C’est bien de ne pas s’en prendre qu’aux hommes politiques, mais bon… D’ailleurs, de la politique, il dit qu’il ne veut pas en faire.
Il n’en a pas besoin, ses chansons restent ‘des pavés, des brûlots’, même après les verres innombrables en trop, même après qu’il a parlé de soutenir François Fillon. « Hexagone » au milieu d’un medley, c’est un peu frustrant, mais globalement, ça fonctionne. L’enchaînement avec « Chanson pour Pierrot » est bien pensé, émouvant, et on n’arrive pas trop lentement à « Fatigué ». Le déséquilibre entre les chansons d’antan et les nouvelles se remarque aussi pour « Ta batterie », inédit écrit par RENAUD pour son fils Malone, anecdotique. Néanmoins, ce n’est pas toujours rose non plus du ‘bon’ côté avec, par exemple, un « Etudiant poil aux dents » rock-franchouillardisé du point de vue musical.
Le soutien de RENAUD, son groupe, a pas mal changé avec les années. Ceux qui restent, Philippe Draï, Jean-François Berger et Sir Geoffrey Richardson côtoient Evert Verhees et Marco Papazian, sans oublier le directeur d’orchestre et ancien comparse lui aussi. Michaël Ohayon, c’est un peu Iznogoud dans l’entourage de RENAUD : toute perfidie mise à part, il remplace ‘enfin’ Jean-Pierre Bucolo et Alain Lanty dans son rôle de meneur sonore et scénique. C’est là encore un avis très personnel, mais en dehors du choix de la Telecaster, le style de guitare solo n’a rien de reluisant à mon sens et je regrette vite les dobros/slides pourtant abusifs de Titi. Si le groupe est très influencé par la country, s’il en fait bénéficier « Marche à l’ombre » et « 500 connards sur la ligne de départ » (merci Geoff pour le banjo !), ailleurs ça ressemble beaucoup à Renan LUCE et compagnie, LUCE étant devenu le mari de Lolita et le gendre du vieux Renard. Proximité familiale ok, mais musicale. On l’a dit déjà pour l’album.
Voilà un résumé tant pour le positif que le négatif. On peut facilement pencher vers ce dernier d’abord à cause de la voix, et la qualité globale s’en ressent. Malgré quelques beaux moments, c’est dur de passer outre. On essaye.
LINE-UP
– Renaud (chant)
– Michaël Ohayon (direction musicale, guitares, piano)
– Marco Papazian (guitares)
– Evert Verhees (basse)
– Philippe Draï (batterie)
– Jean-François Berger (piano, claviers, accordéon, trompette)
– Sir Geoffrey Richardson (violon, alto, flûtes, banjo)
TRACK LIST
1. Toujours Debout
2. Docteur Renaud, Mister Renard
3. En Cloque
4. La Pêche à La Ligne
5. Marche à L’ombre
6. Les Mots
7. Etudiant Poil Aux Dents
8. J’ai Embrassé Un Flic
9. La Médaille
10. Les Aventures De Gérard Lambert
11. Héloïse
12. A La Téloche
13. Hyper Cacher
14. Dans Mon H.L.M.
15. Ta Batterie
16. Morts Les Enfants
1. Manhattan-Kaboul
2. Manu
3. La Ballade Nord-Irlandaise
4. C’est Mon Dernier Bal
5. Morgane De Toi
6. 500 Connards Sur La Ligne De Départ
7. Germaine
8. Dès Que Le Vent Soufflera
9. Mistral Gagnant
10. La Vie Est Moche Et C’est Trop Court
11. Marchand De Cailloux
12. Medley : Chanson Pour Pierrot
13. Medley : Hexagone
14. Medley : Laisse Béton
15. Medley : Ma Gonzesse
16. Medley : It Is Not Because You Are
17. Medley : Miss Maggie
18. Medley : Fatigué
19. Medley : L’envol Du Phénix
Source : Nightfall