N° 235, supplément de La Dépêche du dimanche 1er octobre 2006
on a rencontré
Renaud : « Plus heureux, ce serait indécent »
Sa sonnerie de portable, c’est le chant des oiseaux, des chats qui miaulent… Renaud nage dans le bonheur. Ça s’entend dans « Rouge sang », son dernier album. C’est sûr, il a de nouveau le vent en poupe. Mistral gagnant.
Comme vous le signaler avec « Rouge sang », vous avez retrouvé votre tortue et donc vous dégommez?
Oui. Je suis en pleine forme et heureux. Plus heureux, ce serait indécent vu le malheur du monde. Cette fois-ci, l’album est bien plus ouvert, touche des thèmes plus larges que mon propre chagrin et mes petits désespoirs de bobo noyant son chagrin au fond d’un pastis à 8 € à La Closerie des lilas. La seule chose qui manque à mon bonheur, c’est qu’il ne soit pas partagé par un maximum de gens.
Après « Mon beauf », il y a vingt-cinq ans, vous attaquez aujourd’hui les bobos ?
J’ai juste voulu dresser le portrait d’une catégorie sociale dont j’ai l’honnêteté de dire, à la fin, que j’en fais un peu partie. Je regarde plus Arte que TF1, je préfère faire mes courses dans les boutiques bio, même si c’est plus cher. Vincent Delerm, que je cite, a eu vent de Ia chanson et a cru que je lui taillais un costard. Or j’aime ce chanteur, ses textes, même sa voix pourrie… Comme il aime la mienne, pourrie aussi.
Dans « Adieu l’enfance », vous parlez de votre fille, mais aussi de votre enfance qui s’éloigne.
Oui, c’est un bilan de ses 25 ans et de la nostalgie de son enfance que je ressens. J’ai aussi la nostalgie de la mienne, qui s’éloigne chaque année un peu plus. Au lieu d’être une satisfaction, c’est plus une douleur. Quand je marche sur les traces de mon passé, ça me meurtrit l’idée du temps qui passe.
Ça vous ennuie de vieillir?
J’ai 54 ans, ça ne m’ennuie pas du tout. Pour moi, la vieillesse est un but à atteindre. En même temps, je ne fais pas attention à moi, je suis autodestructeur. Dans mes années de dépression, d’alcoolisme, c’était un suicide à petit feu, paradoxal puisque j’aime la vie. C’est vrai que je me détruis avec le tabac.
Dans « Arrêter la clope », vos potes apprennent que vous pourriez vous passer d’eux, mais pas de Romane. Ils ont été contents ?
Ils ne peuvent pas lutter, même si je mets l’amitié presque au même rang que l’amour. Des amis j’en ai plein, des potes encore plus, des amours, je n’en ai eu que deux.
Ce qu’on retient, c’est que vous n’êtes plus un « Cœur perdu »?
Non, une petite fille l’a ramassé. J’en parle tout le temps dans mes chansons, de Romane. C’est trop ? Elle est très touchée. Si j’en avais fait plus, elle aurait été ravie. J’ai failli en éliminer une, et elle m’a fait un sac.
Vous avez même écrit votre première chanson érotique ; Romane en rougit-elle ?
Elle est très embarrassée, il y a de quoi ! C’est ma première et ma dernière. Je ne vois pas comment je pourrais être encore plus audacieux. Mon côté puritain protestant a été balayé par mon désir de parler d’amour physique et de rendre hommage à son anatomie et à son amour.
On dirait que l’amour vous donne des ailes…
Oui, l’amour, la santé, le bonheur retrouvés ont développé mon inspiration intensément ; j’ai écrit vingt-six chansons pour mon album, plus douze autres pour le prochain de Romane. Si je peux m’autoriser à juger ma propre écriture, les deux plus belles chansons de mes vingt-cinq dernières années sont sur le futur album de Romane, je les lui ai offertes par amour. J’en suis jaloux maintenant.
Avez-vous déjà été si heureux ?
J’ai longtemps été heureux avec mon ex, je l’ai perdue par ma faute. Mais quand on a 55 ans, on a plus envie de le crier à la face du monde, peut-être. C’est une espèce de renaissance, un coup de jeunesse d’être de nouveau papa. L’âge et l’expérience m’ont servi et je souhaite ne pas renouveler les mêmes erreurs. J’espère être le meilleur amoureux du monde.
Avec Romane, vous avez les mêmes initiales : un signe de plus qui prouve que vous êtes vraiment faits l’un pour l’autre ?
Oui. Nos caractères excessifs font que mes preuves d’amour et mon enthousiasme se manifestent aussi de manière excessive. Mes colères et mes scènes de jalousie sont redoutables, les siennes aussi. On est très jaloux. C’est la passion qui brûle nos vies et nos cœurs 24 heures sur 24. À la question d’Ardisson « sucer, c’est tromper ? », Romane comme moi, on répondra « regarder, c’est tromper ». Quand elle monte sur scène, je lui dis : « Non, tu es trop décolletée, c’est trop moulant. » Quant à moi, je n’ai plus le droit aux tee-shirts déchirés.
Vous avez écrit une chanson pour votre fils Malone. Avez-vous eu l’appréhension de faire moins bien que pour Lolita ?
Non, j’aime cette chanson. Je Ia lui chante quand je le berce et il a l’air d’apprécier. La nuit, je me lève pour le torcher, je descends dans la cuisine et je fais chauffer le biberon, pendant que Malone hurle comme une Mobylette. Enfin, je le nourris et il me regarde en tétant goulûment. J’adore, mais je suis jaloux, car il a aussi droit aux seins maternels. Pas moi, malheureusement, alors qu’ils n’ont jamais été aussi beaux. Pamela Anderson peut aller se rhabiller !
Dans votre chanson « Ma Monde », vous vous érigez en nouveau défenseur des blondes ?
Oui, c’est d’une hypocrisie sans nom. C’est totalement faux cul de ma part. Les blagues sur les blondes sont mes préférées !
Où est passé votre célèbre perfecto ?
Ça m’arrive encore un peu de le porter, mais pas quand je sais que mon image va être colporté. J’ai quand même 55 ans ! J’ai le souci de me sentir adulte. Je commence à trouver du plaisir à mettre une chemise, une veste. C’est l’embourgeoisement du bobo, là. En partie grâce à Romane.
PROPOS RECUEILLIS PAR VALÉRIE ROBERT
Rouge sang, Virgin, sortie le 2 octobre.
Son carnet intime
Naissance Le 11 mai 1952. « Je suis Taureau ascendant Poissons comme Dutronc. » Famille Marié à Romane Séria, deux enfants : Lolita, 26 ans, née do son premier mariage, et Malone, 2 mois. Livre « L’homme qui plantait des arbres, de Jean Giono. C’est un conte écologique écrit par la plume magique d’un grand écrivain. » Film « Le Ballon rouge, d’Albert Lamorisse. J’y fais une petite apparition. C’est du Doisneau filmé, une merveille de poésie, qui me rappelle le Paris de mon enfance. » Disques « Blonde on Blonde, de Dylan. ou l’Auvergnat, de Brassens, Revolver, des Beatles, ou les Quatre Saisons, de Vivaldi. Je les prendrais tous si je partais sur une île déserte. » Mot « Enffffoiré avec quatre « f ». Boissons « Le café, maie le pastis reste dans le peloton de tête, aussi. » Lieux « La Provence, Londres, Paris, Patmos, en Grèce, New York… » Le moment de votre vie « La naissance de mes enfants. Les deux fois, j’y ai assisté et j’ai eu cette sensation que la vie est éternelle et que le bonheur existe. Mais c’est aussi toutes les fois où je fais l’amour à la femme que j’aime. » |
Source : Version Femina