Renaud : Poursuivi par la police secrète russe

France Dimanche

PUBLIÉ LE 5 DÉCEMBRE 2008

Depuis plus de trente ans, il laisse son âme de militant s’exprimer au fil de ses chansons. L’écologie, l’antimilitarisme ou encore les droits de l’homme… Renaud ne tait aucune des causes qui lui tiennent à cœur, quitte à heurter parfois les élites bien-pensantes !

Armé de sa guitare et de sa voix sauvage, celui qui s’est autoproclamé « chanteur énervant », Renaud part à l’assaut d’un public toujours plus admiratif de son talent, mais aussi de son franc-parler. Il faut admettre que ce rebelle à la gouaille de gavroche cultive, avec un soin égal, le courage des combattants et la légèreté des artistes.

Du moins le croyait-on. Car une récente biographie consacrée au chanteur vient de casser brutalement cette image un brin dilettante du poète de comptoir. Un auteur, Christian Laborde, révèle que Renaud s’est laissé emporter très loin par ses engagements. Interviewé dans, Midi libre à propos de la sortie de son ouvrage, Renaud, briographieM. Laborde a fait une incroyable révélation : il affirme que le chanteur se croit poursuivi par la police secrète russe !

« Pendant très longtemps, il a eu peur d’être tué par le KGB, d’être empoisonné… Vingt ans après, ça le pourchasse encore », a-t-il en effet déclaré.

Traqué

Cette révélation est d’autant plus stupéfiante que l’artiste n’en a jamais soufflé mot auparavant. Mais aujourd’hui il semblerait que Renaud veuille lever le voile sur une facette importante de sa vie : celle d’un homme traqué. Refusant de faire la promotion d’un livre qui l’a d’ores et déjà brouillé avec ses sœurs en raison de secrets de famille qui y sont déterrés, le chanteur a laissé le soin à son biographe de divulguer les ratsons de la persécution qui gâche son quotidien depuis plus de vingt ans maintenant…

Tout a commencé en 1985. Renaud, qui est déjà une star, est la vedette de la Fête de l’Humanité. S’il vient de tourner le dos au Parti communiste, il ne cache pas ses convictions gauchistes. Le 11 mars 1985, Gorbatchev arrive au pouvoir en URSS, il lance la Perestroïka et la Glasnost, institue une politique ouverte au monde occidental. C’est la période du dégel des relations entre le pays communiste et les pays capitalistes occidentaux.

En août de cette année-là, Renaud profite du cadre que lui offre le Festival mondial de la jeunesse et des étudiants pour donner une série de concerts à Moscou. Il attend avec impatience la réaction du public russe, avec lequel il se sent lié par une même sensibilité idéologique et politique. Le séjour se passe bien jusqu’à son concert, qui a lieu un soir dans l’immense parc Gorki.

Extrémistes

Devant 10000 personnes, il entame Déserteur, sa chanson pacifiste tirée de celle de Boris Vian. A peine a-t-il entamé la première strophe que les projecteurs éclairent soudain les gradins, d’où se lèvent d’un même mouvement 3.000 spectateurs. Un incident qui, bien entendu, avait été soigneusement prémédité par une importante faction d’extrémistes, afin de signifier leur désapprobation quant à cette ouverture vers l’Occident…

Mais ce petit-fils et fils de communiste est anéanti parce coup d’éclat. « Étant un idéaliste, il a mal vécu que le PC lui cogne dessus, explique Christian Laborde. Comme en plus il n ‘ a pas voulu en parler par peur qu’on rigole du petit chanteur de gauche mouché par les cocos, il a implosé. Cet épisode l’a tué »

Blessé et profondément déçu d’avoir servi de bouc émissaire aux activistes, Renaud s’assied le lendemain sur un banc de la place Rouge, à quelques pas de l’hôtel Ukraine, et écrit d’un trait le texte de sa chanson fatigué.« Fatigué du mensonge et de la vérité que je croyais si belle, que je voulais aimer. Longtemps, il a vécu dans la hantise d’être emprisonné écrit-il. [… ] La liste est bien trop longue de tout ce qui m’écoeure. [… ] Il n ‘ y a plus assez de place dans mon cœur pour loger la révolte, le dégoût et la colère. [… ]

Fatigué de croire à ces idées brandies comme des étendards… » Les paroles d’un homme dépité, qui laissent entrevoir son chagrin mais surtout son abattement.

Parallèlement à cette cruelle désillusion, Renaud développe un sentiment de persécution qui, selon sa propre mère, confine à la paranoïa. Renaud imagine d’odieuses machinations du KGB, puis du FSB, le nouveau nom des services secrets russes, dont il serait la cible favorite.

Une angoisse contre laquelle la raison n’est hélas d’aucun secours et qui le plonge dans des souffrances morales terribles. En permanence sur le quivive, il devient fragile et la proie idéale de paradis artificiels comme la boisson…

Aujourd’hui sorti de l’enfer de l’alcoolisme, Renaud s’appuie plus que jamais sur l’amour que lui offrent chaque jour Romane et leur petit Malone.

Anna Hadrien

  

Source : France Dimanche