21/03/2000
Le 1er octobre dernier, Renaud prenait la route. Sans bruit. Il démarrait une tournée qui ne devait durer que l’automne. Elle durera jusqu’à l’été prochain. Accompagné d’un guitariste et d’un pianiste, il trimballe ses santiags sur les scènes, petites et moyennes, de l’Hexagone. Hier soir, Renaud était à Sceaux, en région parisienne, dans le cadre du Festival Chorus des Hauts-de-Seine. Triomphe.
Tant que le vent soufflera, il tournera
Début mai 1999, Renaud est à New York pour écouter Julien Clerc chanter en trio, piano, guitare, voix. A cette époque, le chanteur aux cheveux jaunes a le blues. Besoin de se changer les idées, besoin de s’occuper l’esprit, de fuir Paris. L’idée d’une version allégée de son propre répertoire fait son chemin. C’est ainsi que quelques mois et une trentaine de chansons réorchestrées plus tard, Renaud part.
Dimanche 19 mars 2000, dans le hall de la salle Les Gémeaux à Sceaux, il y a beaucoup de monde. Lancée sans aucune annonce, sans scène parisienne à la clé et sans album à promouvoir, le succès de cette tournée témoigne de la popularité de Renaud. Immense. Indéfectible. Familles, enfants, papis, mamies croisent perfectos et bandanas un peu usés. Des jeunes semblent dépités de ne pas avoir de place. Thierry Séchan, jumeau du chanteur va et vient. Une Lolita passe à l’horizon. Dans la salle, on entend une version arabe de « Hexagone ». L’ambiance monte. La lumière baisse.
Précédé de son « vieux pote », Jean-Pierre Buccolo (le Titi de « Chez la mère à Titi ») aux guitares et de son « jeune pote » au piano, Alain Lanty, voilà Renaud, tout en noir, tout timide. Devant un rideau de perches horizontales où les projecteurs deviennent décor, Renaud prend son micro et… parle. Ah, il parle le chanteur. Il se présente, se raconte, se conte, sa voix usée, la clope, la bière, ses valises sous les yeux, le foot qu’il aime (« Vous pouvez arrêter de parler de foot les gars ! », lance une spectatrice), les supporters qu’il déteste, à l’instar des militaires qui en prennent pour leur grade. N’est-ce pas Renaud qu’on surnommait « le chanteur énervé » ?…
Mais entre les mots parlés, les blagues de potache avec les musiciens et le dialogue avec les spectateurs, Renaud chante. Des chansons que nous connaissons si bien. Des classiques, des standards. Les orchestrations piano-guitare sonnent bien sur la plupart d’entre elles. La qualité des musiciens y est pour beaucoup. Mais parfois la rythmique manque (l’intro de « Miss Maggie »).
Dans cette tournée, Renaud a tombé la guitare. Certains trouvent que c’est une bonne idée… Son talon gauche toujours levé pendant qu’il chante, le petit Séchan devenu grand nous rappelle qu’il est un auteur de premier choix. Ses mots sont justes, sa poésie émouvante, ses histoires attachantes. Et bouleversantes quand il chante Pascale Ogier, comédienne morte d’une overdose à 25 ans en 85 (« P’tite conne ») ou qu’il dresse un état des lieux de la condition enfantine dans le monde (« Morts les enfants »).
Et puis par-ci par-là, il nous mène sur des chemins plus personnels. « Ma vie privée ne vous regarde pas », lance-t-il. Mais, dans le désordre, on peut tout reconstituer : son amour, son bébé (« En cloque », fabuleux titre), ses conseils à sa Lolita petite fille (« Morgane de toi »), à Lolita grande fille (« Elle a vu le loup »), sa vie de couple (« Dans ton sac ») et sa rupture qui donne lieu à une des deux seules nouvelles chansons du spectacle (« Boucan d’enfer »).
Dans le public, certains font un usage fréquent et désuet de leur briquet, interpellent l’artiste, l’interrogent, lui parlent. Après les deux heures de spectacle annoncées, Renaud part puis revient. Plusieurs fois. Il offre une demi-heure de plus. « Mistral gagnant » sonne le signal du départ définitif. C’était long mais c’était bien. Demain, l’équipe repart pour de longs kilomètres et un paquet de dates. Entamée sous le signe d’une entêtante déprime, cette tournée continue sous le signe du plaisir. Renaud a la pêche. Il en remercie « infiniment » le public.
Dans les coulisses étroites, Renaud a la visite de Julien Clerc. De New York à Sceaux, la boucle est bouclée.
Sources : RFI Musique et Le HLM des Fans de Renaud