Renaud reflingue tous azimuts

TéléMoustique

N° 4209, 27 septembre 2006 (semaine du 30 septembre au 6 octobre 2006)

Renaud en forme : « Je bouffe du curé, du rabbin, du mollah »

Interview exclusive

 par A.M.

Il a lâché la bouteille pour revenir, en vainqueur, du côté des vivants. Depuis sa rencontre avec Romane et sa récente paternité, Renaud a retrouvé le goût pour les polémiques et les chansons qui griffent. Haros sur les bobos, non à Sarko… En Belgique aussi, les artistes s’engagent. Une semaine avant les élections communales, ils seront des dizaines à chanter pour la tolérance.

« Grâce à Romane, j’ai retrouvé l’encre noire et rouge de la révolte »

La Closerie des Lilas, à quelques encablures de Montparnasse. Cette brasserie parisienne à la décoration stuc et or d’un autre temps a vu entre autres défiler Hemingway, Verlaine ou Apollinaire. Elle reste le quartier général favori de celui que ses fans baptisent affectueusement « le chanteur énervant ».

C’est là que Renaud noyait son chagrin dans le pastis durant l’écriture de son précédent album « Boucan d’enfer », en 2002. Un disque brillant, le plus grand succès de sa carrière, mais qui puait le désespoir et le naufrage annoncé. Il y a avait notamment créé la chanson Mon bistrot préféré, où il évoquait quelques « grands disparus » : Brassens, Brel, Coluche, Prévert, Bobby Lapointe ou même Franquin. Des amis et des maîtres avec lesquels il s’espérait un jour attablé. Bonjour l’ambiance…

Quatre ans plus tard, dissimulé dans un coin sombre et discret, petits yeux perçants, voire un brin inquisiteurs, Renaud nous accueille à « sa » table habituelle pour s’entretenir de son nouvel album. « Pas de tabou ! On parle de ce que tu veux ! », prévient-il d’emblée. Renaud paraît effectivement bien décidé à ne pas occulter cette période où il avançait en titubant vers un destin précaire. « Quand j’ai quitté mon épouse Dominique (c’est en fait elle qui est partie), cet endroit m’a servi d’abreuvoir, de salon, de cantine, et de mouroir. Normalement, il ferme à deux heures du mat’, mais je ne compte plus les fois où il a fallu me jeter dehors au lever du soleil, quand je restais accroché au piano ou à ma bouteille. »

Une époque noire et scabreuse dont Renaud a bien failli ne jamais se relever. Heureusement, un ange est passé. Ou plus précisément une jeune chanteuse blonde angélique affichant une vingtaine d’années de moins (« Et comme on a l’âge de la femme qu’on aime ! ») : Romane Serda, sa nouvelle gonzesse, qui lui a redonné confiance, goût de la vie et amour généreux. Une passion sur laquelle seul Renaud peut mettre des mots qui, dans la bouche de n’importe qui d’autre, sonneraient d’une vulgarité sans borne. Et qui, chez lui, résonnent d’une infinie tendresse.

« Romane, j’étais son producteur, je suis aussi devenu son reproducteur », lâche-t-il avec un sourire espiègle, sûr de son effet. Comme dans tous les contes de fées, ils vivent heureux et eurent donc, déjà, un garçon (« Mais je veux six enfants ! ») : Malone. Un prénom qui sent bon les vertes plaines irlandaises, pour un gamin né le 14 juillet dernier. La date est symbolique et aura inspiré une devise à Papa Renaud, jamais à court de bons mots : « Feux d’artifice à vie pour ce nouveau sans-culotte ! »

Apaisé et revenu de la dive bouteille (« Par contre, j’essaie d’arrêter de fumer depuis quarante ans ») mais toujours pas plus sportif (« Je pourrais léguer mes jambes à la science, elles n’ont jamais servi »), il signe un nouvel album plus équilibré qui passera facilement le gosier d’un public hétéroclite: « Rouge sang ». Rouge comme la colère (Les Bobos, Elle est facho, qui dézingue le président de l’UMP Nicolas Sarkozy). Rouge comme l’amour de sa femme, de ses enfants (dont Lolita, 26 ans) et du travail. « J’ai écrit quinze chansons pour le deuxième disque de Romane qui sort en fin d’année, et j’ai passé six mois en studio pour « Rouge sang ». Après deux ans à l’inspiration défaillante ou inexistante, j’ai retrouvé l’énergie pour m’épanouir dans le boulot. »

Vous avez retrouvé l’énergie de vous mettre en colère. Cela transparaît dans ce nouvel album. Dans la chanson J’ai retrouvé mon flingue, vous adressez même un clin d’œil à Où c’est qu’ j’ai mis mon flingue ? sorti en 1980, où tout le monde en prenait pour son grade !

R. – Je reflingue tous azimuts ! Comme je le dis dans cette chanson : « Tu verras que je bouffe encore du curé, du rabbin, du mollah ». J’ai retrouvé le bonheur, la santé, et donc l’envie de défendre ceux qui vivent dans le malheur. Cette chanson aurait pu avoisiner les quinze couplets si j’avais aligné toutes mes indignations. Mais j’ai résumé. Et c’est Romane qui a composé cette musique, la plus rock de tout l’album ! Du même coup, nous répondons, à deux, aux critiques de certains fans qui me disaient : « T’as plus de colère, tu n’es plus combatif et révolté. Sans doute la faute à la blondasse ! » Par l’intermédiaire de forums sur Internet, j’ai remis les points sur les « i » avec eux. Je leur ai expliqué que si le disque précédent « Boucan d’enfer » se tournait davantage vers mon histoire et mon chagrin, ce nouvel opus renouait avec la rage. Grâce, justement, à Romane. J’ai retrouvé l’encre noire et rouge de la révolte. Sortie de ma plume, que je m’amuse à comparer à un flingue. Les mots sont des armes, même s’ils n’ont jamais tué personne. (…)

Les Bobos de Renaud

Renaud renoue avec la satire sociale et s’en prend à la génération d’après-Mai 68. Il en fait partie. Ne s’y reconnaît-il plus ? Ou trop ?

Histoire de rassurer les fans, de montrer que Renaud se faisait à nouveau un plaisir de mordre là où ça fait mal, sa firme de disques a choisi Les Bobos (retrouvez-en les paroles sur le site de TéléMoustique) comme premier single afin d’annoncer ce nouvel album. Bobo ? Le néologisme est une contraction de « bourgeois » et de « bohème ». C’est que les bobos cultivent le paradoxe. Pour la plupart, ils sont nés pendant les trente glorieuses. Mai 68 a libéré le désir de leurs parents ? Les années fric de la décennie 80 ont fourni de quoi assouvir les leurs. Les bobos ont pris le meilleur de chaque époque, conciliant aspirations spirituelles et confort matériel. (…)

La suite dans votre TéléMoustique

 

Sources : TéléMoustique et Le HLM des Fans de Renaud