Jeudi 5 juillet 2007
arts & spectacles
FESTIVAL D’ÉTÉ
Sur les routes depuis le mois de février, Renaud grimpe ce soir sur la grande scène des plaines d’Abraham, en ouverture du Festival d’été. Dans la foulée de son dernier album Rouge Sang — aujourd’hui écoulé à 600 000 exemplaires —, l’ex-chanteur « énervant » a retrouvé la scène, mais aussi sa voix et l’énergie qui lui faisaient encore défaut lors de sa précédente tournée, consécutive à la sortie de l’album de la résurrection, Boucan d’enfer (2002). La tournée européenne confirme : Docteur Renaud a définitivement pris le dessus sur Mister Renard, son double maléfique et alcoolo inventé sur Boucan d’enfer. Notre collaborateur Éric Mandel l’a rencontré au Havre, en France, au début de sa tournée. Entrevue -> A3.
Festival d’été de Québec Arts et spectacles A3 |
Renaud chante son bonheur
Eric Mandel
Collaboration spéciale
Renaud grimpe ce soir sur la scène du Festival d’été. Dans la foulée de son dernier album Rouge Sang, l’ex-chanteur « énervant » a retrouvé la scène, mais aussi sa voix et l’énergie qui lui faisaient encore défaut lors de sa précédente tournée. Notre collaborateur l’a rencontré au Havre, en mars, au début de sa tournée
Q On vous sent heureux de retrouver la scène…
R Je me régale. J’avais une envie de remonter sur scène, de donner, de recevoir, de chanter ces chansons que j’aime comme Elsa ou Les Cinq Sens. À l’époque de Boucan d’enfer, je faisais semblant d’être heureux sur scène, mais j’étais encore addict au poison anisé, à la fée jaune (le pastis). Voir tout l’amour du public me donnait un peu de baume au cœur, mais j’avais infiniment moins de plaisir qu’aujourd’hui. J’avais perdu l’envie de séduire et d’être aimé, quand j’étais une épave au fond de La Closerie des Lilas (un célèbre café fréquenté par le Tout-Paris artistique). Enfin, une épave… Avec mon pastis à 45 balles, ce n’était pas du Zola, j’étais plutôt une épave bobo.
Q Vous pouvez nous détailler vos côtés bobo ?
R Acheter des fringues avec Romane dans des magasins à la mode. Posséder une maison dans le Lubéron, une autre à Londres, me payer quatre mois de vacances par an, prendre l’Eurostar avec ma femme et mon chien pour se faire un resto à Chelsea. Alors, on m’intente perpétuellement le procès du « chanteur de gauche, anarchiste, antibourgeois qui vit dans le luxe ». Mais j’assume. Et puis je n’étale pas ma richesse sur des yachts à Saint-Tropez. Ma théorie, c’est : pour vivre heureux, vivons cachés.
Q « Boucan d’enfer » était un album sur le deuil de l’amour. « Rouge Sang » célèbre la renaissance de l’amour…
R Oui et ça fait partie des reproches qu’on me fait: « Ouais, t’as réussi à nous émouvoir avec ton chagrin, maintenant tu vas essayer de nous émouvoir avec ton bonheur ! » Mais j’ai aussi envie de chanter mon bonheur, par amour pour ma femme, par amour pour l’amour, j’ai toujours raconté mes sentiments dans mes chansons, des chansons vécues. Oui je suis impudique. J’en dis trop, je déblatère, je suis ainsi.
Q De toute évidence, votre voix se porte mieux…
R En tout cas j’ai une plus belle voix que lors de ma précédente tournée, en 2003. Je me souviens de cette soirée aux Victoires de la musique, où ils m’ont décerné une Victoire d’honneur pour l’ensemble de ma carrière. Comme ils pensaient que j’allais bientôt mourir, ils ont préféré me filer cette récompense de mon vivant, plutôt qu’à titre posthume. De toute façon, je n’ai jamais eu une belle voix, comme me l’a dit un jour un fan : « Tu ne chantes pas juste, tu ne chantes pas faux, mais tu chantes vrai. » Ma voix était abîmée depuis des années à cause du mode de vie, mais elle revit depuis que je ne fume plus.
Q Vous dites ça, une cigarette au bec…
R C’est vrai, mais je ne fume plus sur scène. Trois heures sans une dope, c’est déjà pas mal. Sur la dernière tournée, j’en fumais une toutes les quatre chansons. J’ai décidé de ne plus fumer en public. Je suis devenu un farouche ayatollah antitabac et je ne veux pas que les jeunes s’identifient à moi.
« Cela fait 20 ans que chaque fois
que j’arrive sur scène, j’annonce la fin
de ma carrière. C’est une plaisanterie
pour provoquer mon public. »
— Renaud, au sujet de sa « dernière tournée »
Q En général, les fans préfèrent toujours les anciennes chansons aux nouvelles. C’est le cas avec votre public?
R Je sors un album avec 18 nouvelles chansons, mon bonheur, c’est de les interpréter sur scène. Mais le public préfère toujours les vieilles, et ça me gonfle ! Ils n’ont qu’à acheter les best of, ou aller voir la tournée des anciennes idoles yé-yé, Age Tendre et Tête de Bois, s’ils adorent la nostalgie. Mais je respecte. Les anciennes chansons représentent la bande-son de leur vie. Donc, je leur propose un mélange avec les chansons de Rouge Sang et mes classiques.
Q Sur scène, vous dites que cette tournée, « Rouge Sang », pourrait être votre dernière tournée. Info ou intox?
R Cela fait 20 ans que chaque fois que j’arrive sur scène, j’annonce la fin de ma carrière. C’est une plaisanterie pour provoquer mon public, l’énerver et me rassurer sur l’amour qu’il me porte. Mais bon, c’est sûr que j’ai envie d’avoir d’autres enfants et que Romane ne compte pas passer sa vie sur les routes avec des mômes en bas âge. Mais quand je vois Hughes Aufray, qui a 77 ans et qui donne encore des concerts, sans être une seconde ridicule… Je me dis que, peut-être, j’y serais encore dans 20 ans.
Source : Le Soleil