Alors que Renaud retrouve la terre québécoise pour la première fois depuis neuf ans, la presse confirme l’incroyable amour du public pour l’anti-conformiste français à la voix de fond de lounge emboucané, version locale du bistro enfumé parisien. Lors de sa première date, à Québec, critiques et quidams s’étonnaient d’être là en si grand nombre pour former une communauté aussi jeune (moyenne d’âge 25 ans) autour de Renaud. En revanche, le public montréalais fut moins tendre…
Mais les retrouvailles connaissent quelques couacs…
Jeudi 18 janvier marque donc le retour de Renaud au Québec avec la tournée « Une guitare, un piano et Renaud » qui traverse le pays jusqu’au 6 février confirmant ainsi une histoire d’amour que son absence n’a pas le moins du monde affecté. Enfin presque… C’est à l’occasion du Festival d’Été de Québec en 1984 qu’une foule hétéroclite découvre ce gavroche qui dès le départ saura instaurer un climat de confiance. Les Québécois aiment Renaud et Renaud aime tellement les Québécois qu’il n’hésite pas à épouser leur cause et à le faire savoir même à Ottawa (capitale du Canada) où il déclare devant une foule de festivaliers : « J’ai déjà chanté au Québec, mais c’est la première fois au Canada… ». La phrase fait mouche, il n’en fallait pas plus pour en faire un frère, un ami à vie.
D’insolences en provocations, Renaud séduit par son franc-parler et son authenticité même quand il dénonce d’un clin d’œil : « l’impérialisme de la culture québécoise en France » ou on n’entend que les Garou, Lara Fabian, Céline Dion, Isabelle Boulay, Lynda Lemay ou Bruno Pelletier, concluant par : « Nous avons assez de nos chanteurs à la con à nous » et d’ajouter « on vous envoie en échange Johnny Hallyday et Patrick Bruel, s’il vous plait gardez les ! ». En revanche, cette diatribe n’a pas convaincu les Montréalais. Dans une dépêche de l’agence la Presse Canadienne titrée : « Le retour de Renaud était-il vraiment nécessaire ? », on lit à la suite de son passage au Spectrum : « L’une après l’autre, il a massacré les pièces qui ont jadis fait son succès. Renaud a, de plus joué sur l’ironie et le sarcasme devant ses fans, en parlant d’indépendance et en écorchant les chanteurs québécois qui connaissent maintenant une belle carrière en Europe. Des propos qui n’ont pas trouvé preneur. » Un chroniqueur télé allait même plus loin en ironisant sur le fait que Renaud « avait parcouru toute l’œuvre de Robert Charlebois : La Maudite, La Blanche, etc. » soit la liste complète des bières produites par le chanteur québécois…
Pourtant, les fans québécois de Renaud sont presque exclusivement des jeunes touchés par sa verve et ses attaques contre l’establishment et un côté rebelle que les années n’ont pas adouci. On ne vient pas l’écouter chanter car comme il le dit lui-même : « je chantais déjà mal il y a 9 ans et c’est encore pire aujourd’hui », on court le voir souffrir quand il interprète Boucan d’enfer, écrit pour exorciser la séparation d’avec sa compagne après 20 ans de vie commune. On vient rire de ses Cent ans, de ses peurs de père dans Elle a vu le loup, mais on accourt surtout pour entendre cette poésie dont la langue nous échappe parfois et à laquelle on ne peut que trouver des similitudes avec l’imaginaire de la nôtre. C’est pour fuir un univers aseptisé que l’on vient voir Renaud, pour garder les pieds sur terre, trop heureux de constater que les siens y sont toujours solidement plantés.
L’histoire d’amour improbable entre un titi parisien pure laine et le public de Québec fête ses 17 ans et si l’auteur et interprète de Mistral Gagnant (la dernière pièce du show) vieillit, ses admirateurs eux n’en finissent pas de rajeunir. Jeudi 18 janvier, il y avait dans la salle Louis-Fréchette assurément beaucoup d’enthousiasme et une ambiance de party avec bière en prime, mais aussi et surtout une émotion commune, comme un réconfort, de voir que l’on est pas seul à écouter du Renaud. En fin de compte la grande surprise de cette soirée a été de constater que son discours parfois irrévérencieux est loin d’être celui d’un désabusé vieillissant mais plus que jamais partagé et nécessaire pour une jeunesse d’ici en manque de leader. « Apprendre aux enfants à être moins cons que nous, moins mesquins et intolérants », c’est encore ça qui fait marcher Renaud.
En avril prochain ce même Grand Théâtre de Québec vibrant sous les standing ovations qui ont (ici) salué le retour de Renaud, servira de quartier général à la police et à la gendarmerie royale du Canada qui l’ont réquisitionné pour mâter la contestation au prochain Sommet de l’Organisation mondiale du Commerce. Nous nous souviendrons alors que « Dès que le vent soufflera, je repartira, dès que les vents tourneront, nous nous en allerons ». Pom Pom.
Par : Pascal Evans
31 janvier : Joliette – Salle Roland-Brunelle
1er février : Hull – Musée de la Civilisation
2 au 6 février : Montréal – Le Spectrum
Sources : RFI Musique et Le HLM des Fans de Renaud