Escale à Annecy de la tournée «Boucan d’enfer».
En crescendo Renaud. Penaud à l’amorce, costaud au final. Roublard sans le Ricard, accoudé au comptoir du bar Chez Renard, son entrée joliment mise en scène annonce la cuvée 2002. Le tour de chant se bonifie avec le temps qui passe, presque à contre-courant des chansons du répertoire. Plan-plan puis intensément touchant. Disque-thérapie, Boucan d’enfer se mue en catharsis dans un décor calqué sur une place de village, un soir de 14 juillet. Entre l’Hôtel de la nuit, «4 étoiles dont 3 filantes», la mairie-école, un platane, un banc, une fontaine et le troquet du coin, le «dernier poète» anar en rouge et noir sort ses carnets de bal et distille ses bouées de détresse. Sans omettre de flinguer au passage quelques baudruches et de tailler des costards: avec caractère et une langue toujours fleurie. «L’entarté» Bernard-Henry Lévy sonne moins ringard que sur l’album et «500 connards sur la ligne de départ» conserve toute son essence.
Sous les lampions, ce jeudi, il fait le ludion dans le Hall d’exposition décati d’Annecy. De dépressions en remontées en surface, Renaud a programmé sa mise à nu en chansons. Liminaire mise en abîme, condensé du trépassé ressuscité, «Docteur Renaud, Mister Renard» contient tout entier ses deux récents visages. Mais à quoi bon noyer son spleen quand on a sous le coude des états d’âme un peu moins noirs? Des larmes d’amour plutôt que d’anis?
«Manu» et «Germaine»
Quand s’invite «Manu», Renaud dévoile sa beauté fragile. Et quand vient «Germaine», la mélancolie se dissipe. Airs de java, accents celtes, les valses de l’amitié ne sont pas non plus oubliées par un orchestre à sept têtes soudé autour de son «poteau». L’accordéon et le bandonéon s’en donnent à cœur joie. «Marche à l’ombre», «Laisse béton» et «Dans mon H.L.M.» répondent à «Mal barré», «Mistral gagnant», «Morgan de toi» ou «En cloque» durant ces retrouvailles avec le loubard au cœur tendre. Cicatrisé le septennat d’absence, pardonné le demi-retour pathétique du Paléo festival. En deux heures d’une belle communion d’idéaux, ce Renaud-là mérite qu’on lève un verre à sa santé de convalescent. D’autant qu’il reste près de 80 dates au chanteur pour guérir les imperfections d’un récital annoncé comme sa «dernière tournée». Même s’il affirme avoir une «voix pourrie», même si l’une de ses chansons a été reprise à son insu par ceux qu’il nomme «les abrutis de la Star Academy», allez lui glisser un ultime merci. Pas forcément pour ce qu’il est aujourd’hui, mais au moins pour ce qu’il a été hier.
Renaud en concert à l’Arena, Genève, 2 et 3 mai 2003. Loc.: TicketCorner.
Source : Le Temps