Renaud sauvé par Romane

Paris Match

N° 2899, du 9 au 15 décembre 2004

PEOPLE

Il nous raconte sa passion fusionnelle avec Romane

« Une nuit sans elle, c’est inconcevable »

Elle l’a arraché au désespoir, il veut l’aider à conquérir la célébrité. Renaud, l’éternel gavroche, a produit le premier album de Romane Serda, sa compagne, qu’il a décidé d’épouser.

Interview Catherine Tabouis

Alors que l’alcool détruisait sa carrière et sa vie, Renaud témoignait dans Match en 2004 de son retour à la vie grâce à Romane, son nouvel amour. Le miracle…

Paris Match. Renaud a-t-il tué le renard ?
Renaud. Romane a tué le renard. Renaud aussi, j’y ai mis du mien, mais c’est essentiellement grâce à elle que j’ai réussi. Grâce à son amour. Le renard est mort et enterré depuis quelques années. ­Romane a connu le renard mais voyait le Renaud caché derrière. Cela fait près de cinq ans qu’on se connaît avec Romane. Au début, nous avions des relations amoureuses occasionnelles. On ne se voyait que de temps en temps. J’étais encore ­dépendant du pastis et ce poison me détruisait. Mais avec Romane, j’étais plutôt tendre, amoureux, gentil. Et puis, un jour, les choses se sont concrétisées. Nous sommes partis en vacances ­ensemble, et là je me suis dit : je ne peux plus vivre sans elle, ni passer une nuit sans elle, ni une journée. J’ai alors quitté mes vieux démons anisés et ce fut le début de ma renaissance.

Aujourd’hui, vous vous êtes débarrassé de tous vos poisons ?
Je ne bois plus, je fume raisonnablement, cinq cigarettes par jour, et, au réveillon de Noël, j’arrêterai définitivement. Pourtant, je suis un sérieux intoxiqué depuis trente ans avec trois paquets par jour.

Ce démon de l’alcool n’est donc plus au-dessus de votre tête ?
Plus du tout. Je ne sais pas si j’étais vraiment un alcoolique. J’étais un pochetron. Je ne sais pas s’il y a une différence… Ce dont je suis sûr, c’est de ne pas avoir d’addiction, de manque.

On n’est jamais à l’abri de replonger…
Je peux boire un pastis une fois par semaine en apéritif sans aucun problème et surtout ne pas avoir envie d’un deuxième verre. Je peux aussi boire trois verres de vin à table sans aucun souci quand l’ambiance est conviviale. Je suis ­débarrassé de cette dépendance.

Vous avez tout essayé pour vous en sortir ?
Essayé quoi ? La psychanalyse, l’inquiétude que procurent les examens médicaux et autres… J’ai entendu des amis médecins me dire : « Continue comme ça, dans deux ans tu es mort. » Ça refroidit, mais j’étais dans un tel cycle d’autodestruction que je n’avais pas peur. C’était presque un suicide à petit feu que je voulais. Je n’avais pas le courage de me tirer une balle dans la tête. Je voulais mourir lentement, me détruire. Ajouté à cela, plus aucune inspiration pour mes chansons, j’avais donc l’impression de ne plus exister. Ni médiatiquement ni artistiquement ; je perdais mon identité. Heureusement, j’avais l’amitié autour de moi, ma famille, ma fille. Mais dans l’état dans lequel j’étais, personne ne pouvait rien pour moi. Sauf moi-même.

Lolita, votre fille, vous a aidé à sortir de ce calvaire ?
Ma fille était attristée par l’état dans lequel je me mettais et de la peine que je faisais à tout mon entourage. Elle était malheureuse comme tout… Lolita est la chair de ma chair, le petit trésor de ma vie, l’amour d’un père pour sa fille c’est indestructible, cette épreuve a été dure pour elle mais elle a toujours été là. Comme sa maman.

Donc un matin, on se réveille et on se dit : j’arrête.
J’ai eu la chance d’être sauvé par l’amour. Romane a bouleversé ma vie. Je suis un nouvel homme.

« J’ai vu arriver Romane… Le coup de foudre ! »

Vous sentez-vous fragile ?
Je n’ai jamais été quelqu’un de très fort, ni sûr de moi. J’ai des doutes, j’ai une espèce de mal de vivre et d’angoisse de l’avenir, de la mort, de la maladie, de la vieillesse et du temps qui passe. Comme tout le monde… je pense. Aujourd’hui, ma vie est tellement remplie d’amour que cela chasse toutes ces angoisses.

Il y a cinq ans, votre vie bascule…
Romane débarque à La Closerie des ­Lilas, accompagnée d’un type d’une maison de disques que je connaissais de vue, un copain de Roda-Gil avec qui j’étais. En train de m’allumer la tête gentiment au pastis. J’ai vu arriver cette merveille, parce que Romane est une beauté resplendissante, éblouissante.

Et là le flash, un vrai coup de foudre ?
Ah oui ! Bonjour, qui êtes-vous ? Ah ! vous faites de la chanson ? Je peux écouter ? On me donne son C.d. de maquette que j’ai écouté le lendemain. Je n’ai pas eu le déclic tout de suite car c’était des chansons en anglais. Mais surtout, au dos de ce C.d., il y avait son e-mail. J’ai pris mon ordinateur et j’ai commencé à lui envoyer des messages… tendres. J’ai aimé sa voix, bien sûr, mais je suis plus chanson française que rock anglais ! Beaucoup plus tard, j’ai écouté ses nouvelles chansons en français, j’ai bien aimé mais elle travaillait avec un musicien qui exigeait d’elle l’exclusivité comme auteur-compositeur et réalisateur sur trois albums. Autant vous dire qu’elle ne pouvait pas accepter d’être prisonnière. Mais parmi ses chansons, un ou deux titres ont suffisamment émergé et je me suis dit qu’il y avait un potentiel. Plus tard, elle a écrit ses chansons, on en a écrit deux ensemble, je l’ai mise en relation avec quelques auteurs-compositeurs de mes amis, tout ça en collaboration avec elle et en la laissant libre de ses choix. Quand elle a eu ce qui nous semblait une douzaine de vraies belles chansons, elle est entrée en studio à Bruxelles pour enregistrer.

Revenons à cette première rencontre…
Elle accepte de me revoir. On boit un verre ensemble et après c’est le début d’une opération de séduction, de charme. On se revoit, on s’aime en vivant toujours séparément.

« Je ne pouvais plus concevoir ma vie sans elle »

L’état dans lequel vous vous trouviez à cette époque-là ne vous faisait pas honte ?
Devant elle, j’évitais de me mettre minable, je buvais raisonnablement. Romane était évidemment attristée de me voir dans cet état-là. Elle a fait partie des gens qui ont essayé de me sortir de cet enfer. Et puis voilà, le temps a passé. Au bout de deux ans, on a arrêté de se voir. Et puis, un jour, nos chemins se sont recroisés. En la revoyant, je me suis dit : comment n’ai-je pas réussi à garder cette femme ? J’aurais dû lui prouver mon amour mieux que je ne l’avais fait. Cette fois, j’ai eu envie de vivre avec elle. Toute ma vie ! Nous sommes partis quatre jours en vacances dans le Sud. A partir de ce moment-là, je ne pouvais plus concevoir ma vie sans elle. Jour et nuit. J’aime cette femme au-delà de tout.

Votre amour pour Dominique, la mère de Lolita, était encore très présent et vous étiez surtout l’homme d’une seule femme… disiez-vous avant votre rencontre avec Romane…
Oui, j’étais dans une logique un peu romantique où j’imaginais que j’étais l’homme d’une seule femme et que je vieillirais et mourrais avec mon chagrin d’amour sans plus jamais aimer quiconque. Il s’avère que la vie est bien faite et vous apporte des surprises. On a droit à une seconde chance. Mon histoire avec Dominique, je ne la renie pas, c’était une belle histoire, une histoire d’amour. C’est la mère de ma fille. Aujourd’hui, je suis heureux parce qu’on a des rapports amicaux, fraternels, affectifs et, en plus, elle s’entend bien avec Romane.

Romane, qu’a-t-elle de plus que les autres ?
D’abord, je trouve que c’est la plus belle femme de France, et comme les femmes françaises sont les plus belles du monde, Romane est donc la plus belle femme du monde. Elle a du talent, un professionnalisme, un charisme à vous couper le souffle. Une grâce dans son métier. Elle a été comédienne, elle a le sens des projecteurs, elle a une aisance incroyable et elle est d’une photogénie éblouissante. Et puis, elle est tendre, douce, drôle, intelligente ! Dans la vie, c’est une petite fille qui a toujours besoin d’être rassurée. J’essaie d’être son ami, son papa, son mari, son producteur, son Pygmalion, sans l’étouffer.

Comment voyez-vous la vie à deux ?
Pour moi, le couple, c’est quelque chose de solide, de durable, c’est la fidélité, la mienne lui est acquise et la sienne m’est acquise. C’est l’amour dévorant, brûlant, nuit et jour. Et ça finit toujours par un mariage !

Vous l’avez déjà célébré cet été à Las Vegas ?
C’était un mariage symbolique, pas tout à fait officiel. On se mariera bientôt devant monsieur le maire du XIVe.

Romane a 33 ans, un bel âge pour être maman…
C’est une femme. C’est normal qu’elle ait envie d’un enfant. A partir du moment où l’on vit ensemble et qu’on a la certitude que cela dure toute une vie, c’est un projet évident. Surtout que j’ai une passion pour les enfants.

Cet album est une belle histoire d’amour…
Complètement. J’en suis un peu le parrain. Mais je n’ai pas produit le disque par amour pour Romane, même si je sais qu’en le faisant je l’ai rendue heureuse. Je l’ai fait par passion artistique. Je lui ai ouvert quelques portes. Uniquement parce que j’y crois très fort.

Didier Varrod écrit que Romane peut prétendre appartenir à la famille de Françoise Hardy. C’est-à-dire ?
En tant que chanteuse élégante, classieuse. Elle n’est pas une poupée Barbie, pas une Star Ac, pas un produit fabriqué. C’est mieux d’être comparée à Françoise Hardy qu’à toutes ces gouailleuses actuelles.

C’est un rêve qui se réalise pour Romane…
Romane a une passion pour la chanson depuis vingt ans. Elle a fait ses premières armes dans les bars, les lieux à chansons… Elle compose, elle a appris la guitare, le solfège, elle a pris des cours de chant, elle a travaillé avec d’excellents musiciens anglais. Elle le mérite, je suis étonné qu’elle n’ait pas fait d’album avant. Elle en a autoproduit un, en amateur, avec son groupe, Romane’s, des musiciens devenus amis qui faisaient ça par passion et qui croyaient en elle. Mais sans maison de disques ! C’était le dur apprentissage, les années galères qui enrichissent et t’apprennent le métier. J’ai eu la chance d’être le premier à la signer. J’en suis heureux. Je l’ai présentée à ma maison de disques. Ce n’est pas tout de produire, il faut une maison de disques qui distribue. J’ai facilité le premier rendez-vous, c’est tout.

« Une nuit sans elle est inconcevable. Notre couple est fusionnel »

Et vos projets à vous ?
Je dois faire un album d’ici à un an, un an et demi. Le problème, c’est qu’on doit harmoniser nos plannings. Je n’ai pas envie d’aller chanter à Angoulême quand elle sera sur scène à Toulouse. Ça va être coton ! Pour l’instant, je consacre quelques heures par semaine à l’écriture. Toute l’année, Romane sera occupée par la promotion de son album et par des concerts à Paris et en province. Quand elle aura six mois de répit, je les mettrai à profit pour moi sans m’éloigner d’elle. Puisqu’une nuit sans elle, c’est inconcevable.

Vous êtes un couple inséparable !
Une demi-heure sans elle, je lui envoie un S.m.s. : « Reviens-moi vite, je suis mal, je souffre, je flippe… » C’est fusionnel.

Et cette nouvelle coupe de cheveux ?
On était aux Etats-Unis, je feuilletais un magazine et je suis tombé sur la photo d’un top model qui avait une coupe de cheveux qui lui allait à merveille. Je me suis dit : je ne suis pas aussi beau que lui mais peut-être, avec la même coupe, pourrais-je m’en approcher. Cela faisait trente ans que j’avais les cheveux longs, filasses, la frange à 50 balais un peu grotesque, coiffé comme Dave ! J’ai demandé à Romane ce qu’elle en pensait : « M’aimeras-tu encore si j’essaie ? » Elle m’a dit oui. Et voilà ! Je suis allé dans le salon de coiffure à 10 balles dans le hall de l’hôtel.

Le nouvel homme que vous êtes arrive-t-il maintenant à se regarder dans un miroir ?
Non, toujours pas. Je me vois défiguré par ces cernes abominables. Mon miroir, c’est Romane. Si elle me dit que je suis beau dans ses yeux, je me sens beau.

Elle vous a transformé sur tous les plans, et vous, faites-vous attention à son image ?
Je suis un mari jaloux et possessif. Je suis jaloux même quand elle câline trop notre chien, c’est vous dire. Mais elle l’est autant que moi, alors ça s’équilibre. Les petits soucis que cela provoque se règlent toujours dans la sérénité. Quant à son look, c’est vrai que je suis très regardant : ce n’est pas son genre d’être une bimbo, d’être provocante, elle est naturellement sexy, même en col roulé. J’avoue que je peux chipoter sur la hauteur d’un décolleté. Mais ça se passe plus dans le rire que dans le conflit. Des gens disent, par exemple, que sa voix est sexy, d’autres qu’elle a une voix érotique, ou que c’est la nouvelle Brigitte Bardot. C’est peut-être flatteur, mais moi, je n’ai pas envie qu’elle soit l’objet de fantasmes pour les mecs. Romane est très prude et très consciente de l’image qu’elle a envie de donner d’elle.

Comme le dit votre chanson « P’tit pédé », il n’y a que l’amour qui guérit tous les maux…
J’avais raison d’écrire ça et d’y croire. Je suis la preuve vivante que le chagrin d’amour ne dure pas toute une vie ! On peut tous se relever si on en a l’envie, la force et qu’on sait saisir la chance qui se présente parfois. Romane est mon présent et mon avenir.

  

Source : Paris Match