Renaud, son ange gardien et son ami corse

Le Parisien

Par E.B.
Le 2 avril 2016 à 00h00

Renaud a arrêté de boire, mais il n’a pas quitté le Bouchon, l’une de ses deux cantines à l’Isle-sur-la-Sorgue. (LP/Eric Bureau.)

Malgré le ciel voilé, il faisait presque 20 °C jeudi à L’Isle-sur-la-Sorgue. Alors qu’à Paris il pleuvait des cordes. «Vous comprenez pourquoi je me suis retiré ici, lance Renaud en nous accueillant. C’est mon petit paradis en France.» Le chanteur a acheté il y a une trentaine d’années la maison de ses oncle et tante, où il passait ses vacances enfant. Il s’y est réfugié il y a cinq ans, après son divorce avec Romane Serda, tout en gardant un pied-à-terre à Paris. C’est, d’après ses amis, une belle maison avec piscine sur les collines, entourée de pins, d’oliviers et de truffières. Lorsqu’il n’y reçoit pas sa famille et ses potes artistes — Vincent Lindon, Grand Corps Malade, Bénabar, Benoit Dorémus… –, il y fait de temps en temps des barbecues avec sa «poignée de copains du coin», dont Thierry Geoffroy, dit Titi, un musicien qui s’est aussi retiré dans le Lubéron.

Renaud a toujours sa collection de petites voitures, de la Série noire, quelques disques… «J’écoute toujours les mêmes, Brassens, Dylan, Springsteen, dont les textes me bouleversent, quelques groupes français engagés genre Zebda, Tryo, Noir Désir, mon petit Renan Luce, Benoît Dorémus. Ou du classique : Chopin, Mozart, Satie.» Il s’est remis à la moto. «J’ai offert une Norton à un copain et je me suis acheté une Indian, mais avec ses 400 kg, elle est difficilement conduisible pour mes frêles guiboles. J’hésite à la revendre, je vais m’acheter une Harley. Je suis parrain d’un festival Harley à Gérardmer, ça la foutrait mal d’arriver en Indian, non ?» Côté voiture, il avait une 2 CV — « mais je me la suis fait piquer » —, alors il roule dans une C3 «pourrie» ou la voiture de Pierre.

«Dans les moments sombres, il n’y avait pas grand monde.»

Pierre est l’un de ses deux anges gardiens. «Facteur et communiste, sourit Renaud. Comme Bloodi, mon autre assistant, il vit une semaine sur deux avec moi. C’est mon seul luxe. Ce sont mes secrétaires, administrateurs, chauffeurs, cuisiniers. Car je ne peux pas vivre seul, c’est ma terreur.» «Depuis deux ans, je partage ma vie entre la poste de Moulins et Renaud, renchérit Pierre. J’étais venu en vacances ici et, comme un fan de base, je me suis adressé à Renaud. On s’est tellement bien entendus qu’il m’a invité chez lui. Et il m’a embauché à mi-temps. C’est dire la générosité du mec.»

Tous les jours ou presque, ils descendent au bord de la Sorgue. Renaud y a ses deux cantines, deux bars-restaurants sans esbroufe, légèrement excentrés, le Bouchon à midi, L’Isle de Beauté le soir. Un restaurant corse. «C’est Renaud qui a trouvé le nom, explique Philippe, le patron devenu ami. Je suis tellement heureux de sa résurrection, qui est assez miraculeuse quand on se souvient de lui il y a un an, éteint, faible même physiquement. Quel sursaut ! On a remarqué que ça revenait par des petits trucs comme une signature pleine d’humour dans notre livre d’or. L’autre jour, il a écrit une chanson sur le coin de table en une demi-heure et sans dictionnaire de rimes.» Dans son restaurant, beaucoup de photos et de coupures de presse de Renaud en Corse. «Je l’ai emmené il y a un mois rencontrer la famille de Colonna, explique Philippe. Renaud a besoin de combats, comme le fut la libération d’Ingrid Betancourt. Je lui en ai trouvé un nouveau. On est contents pour lui, ça lui fait beaucoup de bien d’être reconnu dans la rue. Vous savez, dans les moments sombres, il n’y avait pas grand monde.»

  

Source : Le Parisien