FORCES PARALLÈLES
CHRONIQUES ÉLECTRIQUES
Par MARCO STIVELL le 24 Mars 2021
La collection complète des DVDs de RENAUD est essentiellement constituée de concerts existant aussi en CD. Une seule exception : le tandem Mon film sur moi et Mes chansons préférées de moi en 2004, mêlant compilation et projections d’archives.
Tatatsin !, la ‘petite’ nouveauté de ce début d’année 2021, joue à nouveau sur les deux tableaux, en inversant les rôles (le CD est dédié au long entretien-biographie) et en y allant de ses propres parti-pris étonnants. C’est une compil géante de titres (entiers !) enregistrés majoritairement sur divers plateaux télé depuis 1975, en commençant bien sûr par la prestation Gavroche solo de « Camarade bourgeois » plus que connue et ô combien peu réussie vocalement parlant, celle qui a permis à la France entière de voir la Chetron Sauvage en action pour la première fois.
La partie Les débuts s’arrête en 1981/82 et, comme en 2004, on peut déjà faire l’impasse sur certains titres essentiels : « Hexagone », « Germaine », « Dans mon H.L.M ». En revanche, on peut savourer « Mélusine » (!), « Chanson pour Pierrot » (ce n’est jamais très aventureux, pour ce troisième album !), « Mimi l’ennui », « Marche à l’ombre », « It Is Not Because You Are », « La blanche » (seul à la guitare encore), « Mon beauf », « J’ai raté Télé-Foot » et « Viens chez moi j’habite chez une copine ». Avec le concours des différents groupes accompagnateurs, notamment celui du live Bobino en 1980 puis celui de L’Olympia pour moi tout seul en 1982, quand le sax de Pierre-Jean Gidon a remplacé la pedal-steel guitare de Laurent Gerome en tant qu’instrument soliste principal. L’occasion aussi de rappeler qu’avec des gueules comme Gérard Prévost (basse) et Amaury Blanchard (batterie), sans oublier bien sûr Jean-Louis Roques le Cahorsin moustachu (accordéon, claviers), RENAUD a toujours été entouré comme il se devait.
La partie Les tubes fait s’enchaîner les très attendus « Dès que le vent soufflera », « En cloque », « Miss Maggie », « Mistral gagnant », « La mère à Titi » et « Putain de camion » avec les plus inespérés « Ma chanson leur a pas plu », « Baby-Sitting Blues », « Morts les enfants » (avec Vanessa PARADIS), « Jonathan », « Me jette pas ». En soutien musical, outre le Cadurcien (eh oui, la préfecture du Lot possède deux gentilés !), Yves Chouard, Yann Benoist, Jean-Pierre ‘Titi’ Bucolo, puis Yves Torchinsky (contrebasse), François Ovide, Manu Galvin. La période 91-94 est largement représentée, ce qui est très chouette d’un côté mais hélas aussi vite tempéré du fait que depuis le milieu des années 80, tout se fait en playback, à une ou deux pistes vocales de RENAUD près.
Autre regret léger : la version de « La pêche à la ligne » en duo avec Francis CABREL prouve une fois de plus qu’en dépit des critiques vives habituelles sur la voix de RENAUD, il est le seul à pouvoir chanter ce qu’il chante sans que ça fasse bizarre. CABREL est plein de qualités, il a toujours dignement défendu son accent de sudiste face à des tas de gens et médias (de Paris) qui ont dû bien souvent l’embêter pour qu’il le gomme, mais l’argot sonne trop dur pour lui. Le moment le plus remarquable de l’extrait (et parmi les plus drôles du DVD avec « It Is Not Because You Are »), comble pour une chanson magnifique, c’est juste après la fin, une belle occasion de voir RENAUD trop enthousiaste couper la parole plusieurs fois à Michel Drucker.
Et puis voilà, la compilation s’arrête là où il faut, c’est-à-dire quand RENAUD était encore à son meilleur, au milieu des années 90, avant les années désertiques infernales, malgré un retour prometteur ou pro-menteur après l’an 2000. Retour seulement montré de façon timide avec « Mon bistrot préféré » (là encore, choix aussi surprenant que judicieux eu égard à « Manhattan-Kaboul » et « Docteur Renaud, Mister Renard » !) et c’est tout. Sur le DVD 2, dans la partie hommage aux « Pères », on trouve également deux duos fort sympathiques avec monsieur Hugues AUFRAY. Sans oublier une reprise revigorante de « La p’tite Bill elle est malade » d’Alain SOUCHON en compagnie de lui-même, Laurent VOULZY à la guitare et Michel JONASZ à côté de qui RENAUD s’assied au piano. Moment plein de camaraderie, un de mes préférés de l’offrande.
Les « Pères », c’était aussi et surtout Georges BRASSENS, à qui tout un pan d’émission avait été dédié en 1995 et où RENAUD présentait son disque hommage au Sétois avec largesse, sur un plateau rose et au milieu de charmantes jeunes femmes souriantes en mini-jupe. « Je suis un voyou » et « Les amoureux des bancs publics » certes mais aussi « Hécatombe », « Le vieux Léon ». À part le visuel cela dit, RENAUD étant encore jeune et alerte, on aurait l’impression d’écouter l’album.
En revanche, et ce sont là les clous de Tatatsin !, il faut parler des deux autres longs moments réservés aux chansons qui ne sont pas de l’artiste, mais où il s’est investi tout aussi personnellement. Sur le DVD 1, dans Les débuts, ce sont les chansons réalistes de la première moitié du XXème siècle, celles de Bruant, Fréhel etc., que RENAUD a presque autant défendues sur plateau télé que sur scène, avec le disque live de 1980 à Bobino que l’on connaît. « Tel qu’il est », « C’est un mâle », « Un chat qui miaule », « C’est un mauvais garçon » et « Le p’tit bal du samedi soir » sont au programme, parfois avec Joss Baselli et le trio du live, parfois avec d’autres qui me sont inconnus. Un vrai bonheur si on considère la parenthèse comme importante.
Sur le CD 2, c’est la partie ch’ti, en 1993, la seule qui propose à la fois de l’antenne ‘cadrée’ voire du clip et à la fois du live, caméra à l’épaule et au-dessous de la scène. L’accent a vraiment été mis sur les origines maternelles de RENAUD avec, là encore, beaucoup de plaisir gardé au frais. Le concert de nuit en extérieur, au rythme de « M’lampiste » et « I bot un d’mi », de « P’tit Quinquin » même, est une fête de villages tout ce qu’il y a de plus conviviale. À la télé avec public ou devant une maison de briques rouges abandonnée, « Dù qu’i sont » est toujours aussi émouvant. L’album Cante el’Nord a été plus que fédérateur non seulement pour les figurants de Germinal, mais également beaucoup d’autres descendants des mineurs qui s’expriment parfois face à la caméra et clament leur affection pour le chanteur énervant. De quoi donner quelques bonnes larmes, même si on n’est pas ch’ti. RENAUD a certes été un faiseur de tubes, un Parisien identitaire, mais il a su marquer autrement la chanson française. Et l’enchaînement avec « À la Belle de Mai » (en dialecte marseillais cette fois) est idéal, même si l’ambiance est différente. Ne manque qu’une interprétation de « Tant qu’il y aura des ombres » pour parfaire le bonheur de votre provincial serviteur.
Ces extraits et moments étaient sans doute tous déjà connus, rediffusés, peut-être même une bonne partie l’était-elle dans Mon film sur moi. Montés en ordre chronologique dans la bonne tradition, ils permettent de passer un bon moment, malgré l’affluence du playback sur une dizaine d’années. C’est que RENAUD est comme un ami, et un ami, c’est d’abord une présence.
LINE-UP
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TRACK LIST
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Source : Nightfall