RENAUD : TEMOIGNAGES – Pierre Onteniente (« Gibraltar »)

Je chante !

No 18, automne-hiver 1995

Spécial Renaud : 20 ans de chansons

Photo : Claude Blanchet.

Qu’avez-vous pensé de l’ini­tiative de Renaud ?

C’est surtout l’aboutissement d’un vieux rêve. Quand Georges est mort, il a laissé beaucoup de titres. On s’est tous réunis et on s’est dit qu’il fallait trouver des interprètes.

Tout le monde est tombé d’accord pour dire que le miracle serait que Renaud s’y intéresse. On lui a donc délé­gué Jean Bertola pour essayer de le convaincre. A cette époque-là, Renaud a sans doute pensé qu’il était difficile de reprendre des textes de Georges, tout de suite après sa disparition, si bien que de fil en aiguille, c’est Bertola qui a fait le disque. Malgré tout, on avait toujours gardé le regret que Renaud ne l’ait pas fait. Après la sortie du film Germinal, Tillieu, qui était un grand ami de Georges, est allé féliciter Renaud et automatiquement, ils ont parlé de Brassens.

Tillieu a proposé à Renaud de chanter deux ou trois chan­sons de Georges, à l’occasion du quinzième anniversaire de sa mort, et l’idée est venue comme ça. Dans le même temps, d’autres amis avaient eu l’envie de faire quelque chose à la mémoire de Georges et s’étaient dit : « Pourquoi ne pas mettre une plaque sur sa maison ? » — maison que j’occupe actuelle­ment. Ils en avaient parlé à Maxime Le Forestier qui avait proposé de financer le projet. Je ne sais comment, c’est tombé dans l’oreille de Renaud, et c’est lui qui a fait la plaque. Moi, j’ai fourni la maison, c’est la moindre de choses ! La réunion a eu lieu de 22 septembre 1994 impas­se Florimont; c’était une belle fête, tout le monde a chanté des chansons de Georges et c’est là que Renaud a finale­ment décidé de faire ce disque. Pour Brassens qui, toute sa vie, avait été en quête d’interprètes, on ne pouvait rêver mieux !

Brassens et Renaud se connaissaient un peu ?

Ils se sont rencontrés, mais Renaud n’étant pas un type très hardi et Brassens étant très réservé, ils se sont croi­sés avec l’envie de se dire des tas de choses, mais ça s’est borné à « bonjour mon­sieur, j’ai beaucoup d’admira­tion pour vous ». A la fin de sa carrière, Georges était telle­ment occupé et sollicité que, si on n’insistait pas un petit peu, on avait du mal à rentrer dans son cercle, et comme Renaud n’était pas du genre à forcer les portes, ça en était resté là. C’est dommage parce qu’ils étaient vraiment faits pour s’entendre.

Vous lui avez prêté la guita­re de Georges ?

La guitare de Georges est chez moi, et quand Renaud est venu le 22 septembre, il avait, bien sûr, très envie de la toucher. Je la lui ai finale­ment prêtée, il était aux anges et m’a dit « Si je fais le disque, je voudrais le faire avec la guitare de Georges ». Georges en avait bien une dizaine qu’il laissait un peu partout dans les endroits où il allait. Sur scène, il en gardait toujours une en réserve der­rière le rideau au cas où il casserait une corde. Ses gui­tares étaient toutes fabriquées par le même luthier, Favino, qui avait, d’ailleurs, un moule spécial, le moule Brassens, qui existe toujours. Et certains artistes, maintenant, deman­dent à avoir le modèle Brassens.

Propos recueillis par Raoul Bellaïche

  

Source : Je chante !