Renaud tremble, mais ne rompt pas

L’Illustré

Le 31 juillet 2003
Par Blaise Calame

L’un des moments les plus forts de cette 28e édition du Paléo Festival de Nyon restera sans conteste le concert de Renaud de samedi soir. Une prestation difficile, mais touchante, devant un public conquis.

Il est 20h50 samedi soir à Paléo. Quelque 20’000 festivaliers se sont pressés devant la Grande Scène, curieux de savoir, comme le confiait l’humoriste Daniel Rausis quelques jours plus tôt, « si Renaud remue encore ». Le décor est planté : la petite place d’un village à la campagne avec son bistrot et sa fontaine, symbolisant les errances passées et la renaissance annoncée du poète des loubards. Les fans frissonnent lorsqu’un premier couplet démarre. Sur scène, toutefois, les musiciens sont immobiles… C’était un disque ! Renaud n’est pas prêt. On a bien failli y croire.

Quand enfin il sort du bois, le renard a les yeux qui brillent, mais la main tremblante et la voix brisées. Malaise. Va-t-on assister au naufrage tant redouté ? L’artiste bafouille Docteur Renaud et Mister Renard, puis s’excuse. Il se dit fatigué, mais sobre. Le public l’encourage. Dans le fond, Renaud n’a jamais été un chanteur à voix. A défaut de chanter juste, il « chante vrai ». Vingt ans après son premier passage à Paléo, il a une nouvelle fois gagné le cœur de la foule. Ça s’arrose ? Oui, mais à l’eau plate. Le lendemain, il pleuvra à verse.

La 28e édition du Paléo Festival s’est achevée sous un ciel d’orage, après avoir été marquée par la sécheresse. Pour la deuxième année consécutive, cependant, les organisateurs n’avaient pas à redouter les caprices du temps. Tous les billets étaient en effet vendus avant même le lever de rideau ! Le vaisseau amiral de la flotte des festivals croise en plein succès. Certes, une méchante rixe au couteau s’est soldée par un blessé grave dans la nuit de vendredi à samedi au camping, mais on l’oubliera vite, pour ne se souvenir que de la fête.

Entamée sur les chapeaux de roues grâce aux prouesses sonores de Massive Attack puis d’Asian Dub Foundation le mardi soir sur la Grande Scène, l’édition 2003 de Paléo à comblé les espoirs suscités par une programmation qui, cette année, souffrait moins d’un parfum de déjà-vu. Les veinards qui auront passé la semaine à crapahuter d’une scène à l’autre en s’arrêtant, ici pour déguster un sandwich au magret de canard et foie gras poêlé, là pour savourer un milk-shake chocolat-fraise, auront pleinement profité de l’itinéraire musical proposé par Daniel Rossellat, de retour aux affaires, et à sa bande.

Ainsi le Village du Monde, ce nouvel espace dédié pour commencer aux cultures africaines, a-t-il bien fonctionné. Rien de tel pour digérer un poulet mombé que d’onduler du bassin au rythme syncopé du hip-hop des Sénégalais de Daara J. Et quel meilleur remède aux brûlures d’estomac provoquées par une surdose de harissa que la voix aérienne de l’Algérienne Hasna el Becharia ?

Sur les autres scènes du festival aussi, les moments de plaisir ont largement comblé les rares fausses notes, On regrettera seulement les prestations un peu mécaniques d’Alanis Morissette, des Cardigans ou encore de Jean-Louis Aubert. En revanche, on n’oubliera pas de sitôt les bonds de Salif Keita, l’énergie électrique de Skin, la méticulosité de Travis, les bons mots de Vincent Delerm et, plus encore, ceux de Bénabar dans un Chapiteau archicomble, la sensualité de Beth Gibbons, la sincérité de Laurent Voulzy, la malice d’Ibrahim Ferrer et, bien entendu, la voix envoûtante de Michael Stipe, le chanteur de R.E.M. On nous pardonnera de faire la fine bouche devant le charme rétro de Patrick Bruel, mais il est vrai que sa tournée touchait à sa fin : ça sentait l’écurie…

En réduisant l’offre en matière de musique électronique, rarement convaincante live à l’Asse – ce fut de nouveau le cas cette année, à l’exception peut-être des sets de Luke Slater et de Lucien-N-Luciano, pour ouvrir de nouvelles pistes, à travers l’Afrique notamment, Paléo a réaffirmé son caractère premier, privilégiant la découverte et l’émotion. L’expérience a été payante et l’on se réjouit déjà des trouvailles que Jacques Monnier et ses collaborateurs nous ramèneront d’Afrique australe l’été prochain.

  

Source : Le HLM des Fans de Renaud