Renaud : Un barlou sympa !

Nouveau Stéphanie

N° 40, avril 1978

Il a 28 ans. Il est du signe du Taureau. Des yeux verts pétillants, les cheveux blonds décolorés, c’est Renaud Séchan, plus connue sous le simple prénom de Renaud. Sa chanson « Laisse béton » est déjà reprise en cœur par tous. Mais quel personnage se cache derrière ce gentil loubard en jeans et blouson de cuir noir ? C’est ce que Stéphanie a voulu savoir en le rencontrant.

« Je suis né le 11 mai 1952, explique-t-il, mais ma vie a commencé en mai 68. Jusque-là j’avais toujours détesté le lycée, je me suis fait virer de quatre écoles. En 68, je m’y plaisais… en tant qu’occupant bien sûr. Mes potes me surnommaient « le casseur ». Une de mes plus grandes joies fut de hisser le drapeau noir des « anars » en haut du lycée Montaigne où j’avais souffert pendant six mois. »

Révolté contre la société, contre la famille, Renaud comment à écrire. 

« En 68, j’ai écrit un poème. Quelques accords de guitare et j’avais ma première chanson. Je ne l’ai jamais enregistrée. Ça donnait : « J’lui dis crève salope. J’lui dis crève poubelle, vlan une beigne… » Quand je me suis précipité au salon pour faire écouter à mon père mon chef d’œuvre, j’en ai pris une en pleine figure. Mon père était prof d’allemand au lycée Gabriel Fauré et depuis quelques jours il était très énervé. On habitait un appartement bourgeois avenue Paul-Appell dans le 14ème arrondissement, à la Porte d’Orléans. »

Dix ans après Renaud parle de cette période de sa vie avec nostalgie. 

« C’était super, dit-il. J’ai fêté mes 16 ans sur les barricades du Quartier Latin. Deux de mes copains avaient apporté un énorme gâteau à la crème, il a fini sur le casque d’un flic. »

Dégoûté par le travail (il a été vendeur dans une librairie, coursier, manœuvre), Renaud renonce. Il erre dans la rue. C’est là qu’il rencontre Michel Pons, un jeune accordéoniste. Tous deux passionnés par la valse musette ne tardent pas à former un duo. Il raconte : 

« On chantait dans les cours d’immeuble de la Porte d’Orléans. Dans les cours encastrées, la sonorité est excellente. Notre répertoire était de qualité : Piaf et Moustaki. Les gens appréciaient. Ils fredonnaient à leur fenêtre et nous lançaient des pièces. Ça nous rapportait jusqu’à sept mille balles en deux heures. Puis on a fait la manche des terrasses des cafés de Saint-Germain et Montparnasse. Ma casquette à la gavroche et le béret auvergnat de Michel plaisaient. On représentait la chanson populaire française. »

Aujourd’hui, Renaud a quitté le quartier de son enfance, ce 14ème arrondissement qu’il chante si bien, pour un studio dans le Marais qu’il partage avec Dominique.

« Dominique, c’est tout pour moi. Elle passe avant mon métier, mes potes et même… ma bécane. Je lui ai dédié mon album. »

Car derrière ses apparences de barlou, ce garçon qui ne lit que des « polars » de Chase, est un grand romantique.

« Je veux avoir six enfants.  Je les adore. Dès qu’il y en a un qui me sourit, je suis de bonne humeur pour toute la journée. »

révolte et tendresse

Des projets ? Renaud ne voit pas plus loin que 24 heures.

« Si j’en ai assez du show-biz, je me retire sur une île grecque. Cela peut se produire dans une heure ou dans dix ans. »

Car l’instable Renaud peut tout laisser tomber sur un coup de tête pour une contrariété ou pour l’amour d’une femme. Espérons que ce n’est pas pour demain, ni pour après-demain.

Valentine Ferté

« J’sais pas quoi écrire,
J`laisse béton !
Bisous »
Renaud

  

Source : Nouveau Stéphanie