Renaud : un Don Quichotte fatigué

Ouest-France

4 mai 1992

Déjà 15 ans que Renaud joue les rebelles et les Don Quichotte. « Mais c’est fatigant », avoue-t-il. Alors déjà il prépare un disque « plus tendre ». Et signera prochainement avec Claude Berri pour le premier rôle dans « Germinal ».

Sur TF1 ce soir 20 h 45 « Stars 90 »

Cet adolescent quadragénaire, « épais comme un sandwich SNCF », cuir noir et santiags poussiéreuses, est devenu une silhouette familière à la sortie d’une école du 14e arrondissement. Car on peut être star, on n’en est pas moins papa poule. Pour rien au monde, Renaud ne céderait sa place lorsqu’il s’agit, sans déclencher d’émeute, d’aller conduire ou chercher Lo­lita, sa môme de 11 ans. Lolita, sa « graine de rebelle », avec qui il retrouve une partie de ce « paradis perdu » : son enfance. Celle des « Mistral gagnants », des « dimanches à la con » avec sa « mère qui n’a jamais su faire la tarte aux pommes ». Lolita, à qui il n’a jamais donné de petit frère « parce qu’elle n’en voulait pas ». « Mais c’est vrai, ajoute-t-il presqu’en s’excusant, que ma femme et moi, on n’avait pas très envie de partager notre amour ».

Mais il partage volontiers sa table. Celle de Lénine ou d’Aragon, à la Closerie des Lilas à Paris. Pour parler de tout, de rien, de la vie, de « Marchand de cailloux », son dernier album. Et de sa déception d’« anarcho-mitterrandiste » vis-à-vis de Tonton, à qui il dédit une « chanson à la fois tendre et cruelle ». De ses révoltes. Les mêmes que celles de son adoles­cence. « Je suis sans doute aussi naïf. Ce qui passe auprès de certains pour un manque d’évolution, moi je le considère comme de la fidélité. Je ne me sens ni vieux ni rangé. Et j’attendrai d’avoir 80 ans pour me désintéresser du sort de l’humanité. Mais c’est vrai, soupire-t-il, que c’est fatigant de toujours crier, se rebeller, de jouer les Don Quichotte. On y laisse des plumes ».

Alors, pour son prochain disque (sortie en 1993), changement de décor : la révolte va céder la place à la tendresse, « à ces petits riens du quotidien qui me touchent ». Que les fans de la première heure se rassure, « c’est juste pour un disque ! ».

Autre surprise pour ces derniers : Re­naud-acteur. Il y a 12 ans, Claude Berri avait juré qu’il lui donnerait un rôle. Ce sera celui d’Étienne Lantier, le syndicaliste qui incite les mineurs à faire grève dans le « Germinal » de Zola. « Un personnage éminemment sympathique. Mais je me de­mande si je n’aurais pas préféré celui de Souvarine, celui qui fait sauter la mine à la fin. Un anarchiste qui va jusqu’au bout de ses convictions ». Incorrigible Renaud…

L’heure tourne. C’est le moment de faire courir Toto, son labrador à poils longs, en faisant une halte dans une librairie de B.D « où il dilapide ses droits d’auteur ». Avant d’aller chercher Lolita à école. Et regarder avec elle le journal de 20 h. « Plutôt que les dessins animés de Dorothée. Pour qu’en voyant la violence elle refuse de l’accepter, de suivre le troupeau ». Lui, il y a longtemps qu’il bande à part.

Laurence PICOLCO.


RENAUD VÉRITÉ

J’avais lu « Germinal » dans mon adolescence. Je n’avais oublié ni le drame humain, décrit par Émile Zola, ni ses victimes.

 

 

 

 

  

Source : Ouest-France