14 mars 1979
Michèle DOKAN
Il ne reste plus une marche de libre. Le Théâtre de la Ville affiche complet pour Renaud. Drôle d’aventure, en fait, que celle de cet enfant des rues que son argot, son humour et sa tendresse propulsent dans les premiers rangs de nos nouvelles voix.
Dana une vague à la Perret (il partage avec lui un langage vert et fleuri), Renaud laisse des traces d’écume à la Coluche. Ses cibles ont nom la lâcheté, la bêtise, le quotidien dans ce qu’il a de plus monocorde, la solitude, la violence, qu’on croit trop souvent anodine, les copains, plus ou moins brillants…
Mais, on toute occasion, il possède l’art de l’image et l’art de la chute. Il cache derrière son humour, derrière ses dents dures de faux requin, une belle perplexité, une vérité, une volonté de démystifier aussi, qui sont la marque de la nouvelle génération. La pudeur en bandoulière, Renaud avoue malgré lui sa tendresse. Elle est plus forte que lui. Elle lui sort par les pores.
Du rire aux larmes
Il vient de la rue, d’accord. Il s’indigne, il se révolte, d’accord. Il dessine au vitriol, très bien. Mais tout passe, parce que, d’abord, c’est le rire qu’il déclenche. Même si ce rire, peu après, tourne aux larmes. Ses loubards, ses cafés, ses « mobs », ses bandes, ses bals de banlieue… de cruelles réalités deviennent satires de choix, cocasses, émouvantes, véritables films qui se déroulent sous nos yeux.
Dans son jean recousu de patchwork multicolore, avec ses cheveux effilochés, son blouson de cuir et ses jambes à avoir laissé un cheval dehors, Renaud réussit haut-la-main, haut-les-cœurs, sa rentrée parisienne. D’espoir, il devient réalité. Nourri à l’air du temps, il explose au firmament des noms à suivre.
Source : France-Soir