Québec, jeudi 11 juillet 1991
« Mon spectacle de ce soir est entièrement composé de nouvelles chansons… et d’anciennes ». C’est Renaud qui parle. Peut-on être plus clair que ça ?
par ALAIN BOUCHARD
LE SOLEIL
Il en a chanté et chanté, des nouvelles et des anciennes, tant et tellement chanté qu’il n’en restait plus aucune au troisième rappel. Il est revenu au micro et a dit, tout rougi, tout bouffi, tout frémissant aussi : « Désolé, je n’en ai plus. Et vraiment plus. Merci beaucoup ».
C’était son premier Vol de nuit de la semaine, au Bar Le d’Auteuil, celui de mardi soir. Et son seul aussi à cet endroit, puisqu’il est déménagé un peu plus loin entre-temps. Quelqu’un rappelait, à propos du d’Auteuil, que c’était l’ancienne salle de danse sociale de Roland Hallé. Quel paradoxe de voir Renaud y faire les 400 coups !
Le troisième rappel est venu passé 1 h 30 du matin. Et avec fracas. Les gens claquaient des mains, tapaient du pied, fort, fort, sur un plancher qui a tremblé. Comme l’auditoire tout au long de la soirée. Les deux autres rappels précédents avaient été aussi entêtés, persévérants. Car Renaud ne ressort pas des coulisses si facilement comme ça, dès la première paire de claques. Il veut des messages clairs. Et bruyants.
Combien de monde? Environ 300 personnes. Peut-être un peu plus. Et au moins 299 mordus, la plupart assis, sur des rangées de chaises alignées comme dans une église, et les autres debout. Mais rien d’infernal, pas d’empilade, même pas de frottage de coudes. Une salle exemplaire dans les circonstances. Une salle exemplaire en autant qu’on peut être exemplaire quand Renaud y va de son meilleur délire. Calculé ? Comment dire ?
Renaud chante assis. Il l’avait dit. Il cause aussi, et peut-être même surtout, par rapport à certains autres shows précédents. En tout cas si ce n’est pas plus, c’est au moins plus du Québec, qu’il commence à connaître sous des coutures de plus en plus « personnelles », de plus en plus « songées », comme dirait l’autre.
Des nouvelles chansons ? Oui, de fort belles, de fort poétiques. Et aussi de fort rebelles aussi, dans la lignée de Madame THatcher et des autres. Comme ce truc sur la célèbre course Paris-Dakar: 500 connards sur la ligne de départ, tralala tralala, 500 guignoles dans leur bagnole. Comme aussi ce truc sur les corridas. « Vous devriez en organiser, ici, au Québec : avec les orignaux ! », a-t-il lancé avant de chanter. Quelqu’un de murmurer alors, dans la salle : « Et là, les toréadors ne seraient pas chanceux ! »
Le blond chansonnier voulait de l’intimité, de la tendresse. Il en a eu. Parce qu’il en a généré, organisé, façonné. « J’ai vu l’autre jour, dans un journal, un titre qui disait : notre Renaud national ! Notre Renaud national, y pensez-vous ? » Puis il raconté son histoire de chien.
Qui va comme suit :
« Vous saviez que j’ai un chien? Un chien anglais, un golden retriever. Il est anglais parce qu’il a un père anglais et une maman anglaise. C’est pourtant mon chien pareil. Eh bien moi, je suis français ! Parce que j’ai une maman française et un papa français. Voilà, c’est la même chose ».
Renaud est devenu le toutou du Québec. Ou continue de l’être.
Enfin… wouf !
Et désormais à l’Institut Canadien.
Source : Le Soleil