Novembre 1991
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Faux loubard et vrai poète, Renaud revient avec quatorze chansons. Toujours insolent, plus dur peut-être, il lâche ce qu’il a sur le cœur et pleure ses illusions perdues. Tonton pourquoi tu tousses ?
Sous le petit foulard noué autour du coup, l’invective. Sous le cuir élimé et la tignasse blonde, le poète fragile qui se bat contre les mots, distillant quelques expressions bien senties, passées depuis dans le langage de la rue (le fameux « laisse béton »). Trois ans après la sortie de son « Putain d’camion » en 1988, un album dédié à la mémoire je son pote Coluche, son nouvel album, « Marchand de cailloux », titille les esprits et confirme que le gavroche à la mine espiègle n’a rien perdu de sa veine caustique, cruelle, insolente et tendre à la fois. « Après la tournée « Visage pâle » en 1988, explique-t-il, j’ai pris quelques mois de recul, pour ne pas dire de repos et de « glande » Et puis il y a un an. je me sus remis sagement à l’écriture de « Marchand de cailloux » car je sentais une presser de la rue. »
Renaud sème, avec « Marchands de cailloux », quelques perles à l’ironie détonante. Et lance un pavé encombrant dans la mare présidentielle « trop ronronnante ». Le tonton-président François Mitterrand est invité à se mettre au vert. « J’ai écrit cette chanson à un moment où je n’étais pas franchement fâché avec lui, explique le chanteur. Je ne pense pas l’être aujourd’hui. Je lui ai envoyé le disque et je n’ai pas encore eu de réaction. C’est un portrait mi-tendre, mi-cruel du chef de l’Etat, et surtout une réflexion sur le temps qui passe, les illusions, le vieillissement d’un homme. Un peu de tendresse et un petit coup de pied pour lui dire de se réveiller. Ce gouvernement pour lequel j’avais voté il y a dix ans, et que j’ai soutenu ardemment en 1988, ne pratique plus la politique qui avait libéré tous les enthousiasmes. Je prends position, je tranche et je sais que je ne vais pas me faire que des amis. Même si j’ai toujours une grande admiration pour ce grand homme, j’ai aujourd’hui le sentiment d’une profonde trahison. Mais je ne veux pas que la chanson devienne un hymne et un étendard de la droite. Et finalement, on n’est jamais fâché avec quelqu’un que l’on aime comme son père. »
ROMAN Du Café de la Gare aux cent mille spectateurs du Zénith, en 1988, les Editions Seghers viennent de rééditer « Le roman de Renaud », écrit, annoté et illustré par son… frère aîné, Thierry Séchan. Une biographie familiale brossée avec humour et tendresse. |
Des précautions et des nuances qu’il évite lorsqu’il brocarde ces « Cinq cents connards sur la ligne de départ » du Paris-Dakar : « C’est très méchant, c’est insultant et sans ambiguïté. Comme ma colère quand je les vois parader dans le désert, sur leurs monstres mécaniques bardés de slogans publicitaires, massacrant les pistes et laissant derrière eux des tombereaux de poubelles et de canettes de bière. » Avec pour mieux le dire, une langue imagée : « Cinq cents blaireaux sur leurs motos, ça fait un max de « blairs », aux portes du désert, un paquet d’enfoirés, au vent du Ténéré. »
CINÉMA DANS « GERMINAL » Au printemps prochain, Claude Béni, le réalisateur de « Tchao pantin », commencera le tournage de « Germinal » d’après Emile Zola. Un long métrage de trois heures avec un budget très important et un pari : confier le rôle principal, celui d’Etienne Lantier, à Renaud. « Berri m’a dit qu’il ne voyait que moi pour camper ce personnage. Mais porter sur mes épaules de comédien quasiment débutant un rôle de cette ampleur, ça m’angoisse et ça m’emballe totalement ! D’autant que mon grand-père était mineur, militant syndical et anarchiste. » |
Dans son appartement, à quelques pas de la gare Montparnasse, Renaud a édifié un temple tout à la gloire de la bande dessinée. Œuvres originales, pin’s, figurines etc. peuplent l’univers ludique de sa petite Lolita, qui a délaissé ses pâtés de sable pour ses premières boums.
PAPA-GÂTEAU
« Il n’y a pas si longtemps, dit-il attendri, elle pissait sur mes genoux en buvant son biberon. J’ai l’impression que c’était hier. Elle vient d’entrer en sixième. Maintenant elle pique les jeans de sa mère, elle découche le samedi soir chez ses copines et elle commence à avoir des petites boums. Dans sa chambre, la photo de McGyver a remplacé la mienne ! Et ce qui fait mon désespoir, c’est qu’elle travaille bien à l’école. Je pensais qu’elle serait comme son père, dernière en classe. » Star du papier glacé, le malicieux persifleur qui rêvait dans les terrains vagues de Montrouge et des boulevards de la ceinture, bien avant de chanter « Laisse béton », « Gérard Lambert », « Lola », revient sous les feux roulants de l’actualité musicale. Après une parenthèse longue de trois années. Comme pour briser la nostalgie. Pour retrouver, peut-être l’insolence des origines.
Serge Lion
Source : TV Magazine