N° 1508, 2 janvier 1995 (du 7 au 13 janvier 1995)
L’événement du
DIMANCHE 8 JANVIER 13.25
2
Dans quelques mois, il fêtera ses vingt ans de carrière. Sur scène. Après l’entracte cinéma de « Germinal », Renaud revient à la chanson avec « À la belle de mai ». Un disque qu’il a choisi de promouvoir avec une certaine parcimonie. Il nous explique pourquoi…
Vous avez fait votre retour à la télévision chez Pascal Sevran. On vous retrouve chez Jacques Martin. Vous êtes fâché avec les autres ?
Je n’ai aucun mépris pour les émissions de variétés populaires tant qu’elles restent dignes. Sevran comme Martin sont des gens qui aiment la chanson française. En revanche, je n’aime pas les variétés pseudo-branchées où les artistes sont des faire-valoir. Je préfère faire une émission qui touche 3 ou 4 millions de téléspectateurs, sans me demander si c’est ma cible, plutôt que de chanter pour 250 000 personnes à une heure du matin !
Julien Clerc a composé trois mélodies pour votre dernier album. Clerc et Renaud, c’est un peu le mariage de la carpe et du lapin, non ?
Ce n’est pas mon sentiment. Il n’existe pas d’antagonismes entre nos deux univers. Le fait que nous n’ayons pas la même opinion sur tout ne nous empêche pas de bien nous entendre.
Certains critiques vous reprochent la « mélancolie remâchée » de « À la belle de mai ». En résumé : moins de coups de gueule et plus de tendresse, ça vous chagrine ?
Je chante depuis vingt ans, c’est mon douzième album, je m’assagis et on a l’air de me le reprocher. Quand je fais des chansons coup-de-gueule comme sur « Marchand de cailloux », on me reproche d’être un Don Quichotte qui lutte contre des moulins à vent, de radoter et d’être un soixante-huitard attardé. Quand je ne le fais plus, on me fait le reproche inverse. Cette mauvaise foi est un peu à l’image du monde dans lequel on vit.
De votre rencontre avec les gens du Nord-Pas-de-Calais est né l’album, « Renaud cante el Nord ». Vous passez les fêtes de fin d’année dans votre maison du Vaucluse. Bientôt un album en provençal ?
J’ai racheté la maison de mon oncle à l’Isle-sur-La-Sorgue quand celui-ci est décédé en 1983. C’est une maison de famille. Ce n’est pas parce qu’on aime le Sud qu’on ne doit pas aimer autant le Nord. Ce sont les gens qui comptent et les paysages. C’est vrai que dans le Nord, je suis plus attaché aux gens qu’aux paysages.
La comédie est votre premier métier. Pourtant vous avez déclaré que votre prestation dans « Germinal » vous avait déçu. C’est la fin définitive de l’entracte cinéma ?
Oui. J’aurais préféré être fier de ce que j’avais fait. C’est avec amertume que je réalise ce constat. 95% des gens de province qui ont vu ce film et à qui on ne demande jamais leur avis m’ont trouvé formidable. Moi, j’aurais tellement voulu être mieux. Habitué à tout gérer dans mon métier, je n’ai pas assumé le fait de n’être qu’un maillon de cette entreprise collective. Je n’ai pas l’habitude d’être trop dirigé. Je dois être trop anar pour ça.
Entretien : Daniel BEAUCOURT
Source : Télé Poche