Renaud vous ouvre son cœur et sa porte

Salut !

N° 212, du 9 au 22 novembre 1983

Le navigateur de la chanson nous revient avec son nouvel album. Un album enregistré en Californie. Au retour de son périple américain, Renaud a choisi, comme à son habitude, ses amis de Salut ! pour parler de ces derniers mois écoulés et de ses projets. Pour cela, il a ouvert les portes de son appartement parisien gardé secret jusqu’à présent.

« Morgane de toi » ou si vous préférez « Amoureux de toi » est la nouvelle galette de Renaud. Un album dédié non pas à Dominique sa femme, cette fois, mais à sa superbe petite fille Lolita. Confortablement installé dans son sympathique appartement du Marais, Renaud ouvre son cœur.

Alors, tu désertes les studios parisiens ?

Non, pas du tout, c’était surtout, au départ pour m’éclater. La première fois que j’étais allé aux États-Unis, je m’étais vraiment éclaté, et puis tout le monde parlait des studios américains, alors j’ai voulu voir et entendre ce qui s’y passait. Musicalement, pas de problème, cet album est sûrement le meilleur que j’aie fait jusqu’à présent. Ce n’est pas pour dire du mal des musiciens français mais là-bas ça joue super bien. Avec Thomas Noton, le réalisateur de ce disque, nous avons fait du bon travail. J’ai enfin trouvé la personne qu’il me fallait pour m’aidait car, avant, je faisais tout moi-même. je pensais faire un peu plus de tourisme mais j’ai passé beaucoup plus de temps en studio car ce disque coûtait cher et il fallait assurer. Tu sais, à Los Angeles dans le studio, l’ambiance n’est pas vraiment géniale. Ils sont pro, un point c’est tout. Enfin, je suis content de cette expérience qui ne se renouvellera sûrement pas mais le résultat est là. Heureusement, il y avait des amis avec moi, mais eux ont eu beaucoup plus de loisirs.

Dans cet album, il y a un clin d’oeil à Boris Vian ?

J’ai toujours aimé Boris Vian et sa chanson « le déserteur » que j’ai voulu réactualiser un peu. je ne sais pas si les gens vont bien la prendre mais ce n’est pas du tout le côté pacifiste. Je parle des déserteurs, de ces mecs de 20 ans qui ne veulent pas faire l’armée parce qu’ils ne supportent pas de se lever tôt, d’avoir les cheveux courts, de porter un uniforme. Cette chanson est un grand pied de nez à l’armée et au pouvoir pour leur faire comprendre que je ne suis pas dupe

.Il y a aussi une chanson dans laquelle tu parles d’autres chanteurs ?

J’espère que les trois chanteurs cités dans cette chanson ne le prendront pas mal. Je sais que Cabrel était mort de rire en l’entendant, il l’a trouvé super. Les autres, ce sont Lavilliers et Capdevielle. Et pour finir je me démystifie et je me parodie moi-même.

Tu t’es dédié une chanson sur cet album ?

Oui, oui. « Dès que le vent soufflera » est un peu mon histoire et puis je devais parler de bateaux car, maintenant cela fait partie de ma vie. Je trouve même qu’on en a un peu trop parlé de ce bateau. Dans cette chanson, je me décris comme un marin d’eau douce que je suis. J’aime toutes, ou presque, mes chansons ; j’ai une petite préférence pour « En cloque », « Morgane de toi » et « Doudou s’en fout » qui est ma chanson soleil, évasion.

Après ta promotion, il y aura en 84 un grand spectacle ?

Oui du 17 janvier au 5 février, je serai trois semaines sur la scène de la nouvelle salle de la Porte de pantin. C’est une salle énorme, il y a plus de 5.000 places. C’est un pari important pour moi et je commence à m’angoisser.

Cet appartement c’est ton jardin secret ?

Complètement, et c’est la première fois que je permets à des journalistes de franchir ma porte, mais Bernard Leloup et toi vous êtes un peu des privilégiés. Si tu commences à ouvrir ta porte aux photographes, il n’y a plus de limites, tu n’as plus de coin privé. Ils te demandent des photos dans ton lit avec ta femme, ta gosse et j’ai pas envie de rentrer dans ce truc là. Je suis un loup solitaire, c’est pour cela que j’aime partir en mer.

Dernièrement, tu étais à La Baule pour le départ d’une course de bateaux.

Oui mais c’est autre chose, ce n’était pas mon bateau mais celui de copains qui participaient à la course La Baule-Dakar. Ils ont appelé leur bateau « Gérard Lambert », c’est pour cela qu’ils m’ont demandé d’être le parrain. Je ne te cache pas qu’ils auraient préféré être sponsorisé par une grande marque style « Couscous Garbit » mais ils n’ont pas trouvé. j’aurais aimé les accompagner mais cette année ce n’était pas possible, je dois assurer la promotion de mon disque. L’année prochaine je pense pouvoir m’embarquer sur ce trimaran. Dans six mois je reprendrai la mer. Je veux pouvoir partager mon temps entre mon bateau et Paris, mais attention je ne reviens à Paris pour gagner de l’argent et repartir ensuite, j’aime mon métier, j’aime écrire des chansons, les chanter, c’est pour moi un grand plaisir. La scène est une des plus grandes satisfactions de ma vie.

Il y a quelques temps on avait parlé de cinéma ?

Il faut que je me foute des coups de pied au cul pour arriver à terminer le scénario que j’ai commencé à écrire. c’est plusieurs personnages, enfin c’est très complexe. J’aimerais bien qu’on me propose le rôle d’un mec naïf, d’une petite frappe, d’un mec qui fait des coups en douce.

As-tu déjà rencontré des gens de cinéma ?

Oui, notamment Dominique Besnehart, un garçon qui fait du casting de films. Il semblait intéressé par moi mais il faut trouver le scénario, le rôle en béton, or depuis quatre ou cinq ans tout ce que l’on me propose n’est pas d’un bon niveau, genre rôles inspirés de mes chansons, écrits par des gens trop vieux.

Pour rester dans le cinéma, on te voit souvent avec Martin Lamotte…

Martin, c’est un vieux pote. On s’est rencontrés il y a quelques années. A l’époque, il jouait avec Coluche dans une pièce qui s’appelait « Ginette Lacaze » et on est restés très copains. Après il y a eu le café-théâtre, « La veuve Pichard » et toute l’équipe dont Gérard Lanvin et Dominique, ma gonzesse.

Martin Lamotte est un garçon qui a beaucoup de talent, il écrit, il joue. Actuellement, on peut le voir au cinéma dans « papy fait de la résistance » dont il est le co-auteur.

Martin va sûrement s’éclater, comme Lhermite ou Jugnot, il le mérite.

Ensemble, nous avons joué la comédie car, à l’époque, je chantais et je jouais dans les cafés-théâtres avec eux. Avec Martin on se voit pratiquement tous les jours, on prend l’apéro ensemble au bistrot du coin, il habite à deux pas d’ici.

Renaud s’inquiète de l’heure car il a rendez-vous avec Gainsbourg qui doit lui réaliser un vidéo clip sur « Ma chanson leur a pas plu », une rencontre qui promet.

Propos recueillis par Daniel Moyne.

 

Source : HML des fans de Renaud