Réplique à Renaud

Le Monde

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Mis en cause par le chanteur Renaud (dans le Monde du 24 juillet), un journaliste d’Avant-Garde, bimensuel du Mouvement de la jeunesse communiste, qui signe « Dodo », nous a adressé la lettre suivante :

Je savais que Renaud n’était pas ce « Gavroche », continuateur de la tradition de la chanson ouvrière qu’une certaine presse s’efforce de présenter avec une insistance pour le moins douteuse… Ce que j’ignorais, par contre, c’est qu’il n’avait pas le courage de défendre jusqu’au bout les paroles de ses chansons. Il m’accuse de charcutage de texte et de mauvaise foi pour un article que j’avais signé dans Avant-Garde en mai dernier sous le titre « Adieu, Renaud… on n’est pas du même camp ». Loin de me faire changer d’avis d’un iota, ce plaidoyer défensif et laborieux me confirme au contraire que Renaud est décidément un vrai porte-parole du nouveau conformisme. Qu’on en juge.

« Le journaliste d’Avant-Garde, écrit Renaud, prend dans la chanson (il s’agit de « Où c’est que j’ai mis mon flingue ») des phrases tronquées et isolées du contexte pour essayer de me faire dire ce que je n’ai jamais voulu exprimer. Et effectivement, poursuit-il, cela n’a plus le même sens quand on lit « c’est pas demain qu’on m’verra marcher avec les connards qui sont aux urnes » sans la fin de la phrase qui dit « choisir c’lui qui les f’ra crever… » Comme chacun aura pu le remarquer, en voulant l’aire dans la nuance pour tenter de se refaire une virginité conforme à son image de marque, Renaud ne fait que s’enliser encore un peu plus.

Car, enfin, quelle différence existe-t-il entre ce couplet et le refrain plus ou moins larvé des politiciens de la bande des trois qui ne cessent, sur tous les tons, d’appeler la jeunesse à ne pas faire de politique, à mettre tout le monde dans le même panier, à attendre sagement des jours meilleurs sans prendre ses affaires en main ?

D’ailleurs, n’est-ce pas Renaud lui-même qui annonce la couleur sans détours quand il déclare : « Rien à foutre de la lutte des classes, tous les systèmes sont dégueulasses » ? Alors, de grâce, que Renaud défende ses théories jusqu’au bout, ou qu’il les renie s’il n’est plus d’accord avec, mais qu’il n’essaie pas de biaiser pour essayer de s’en sortir… Car de toute manière l’argot et la gouaille de Renaud ne suffisent pas à faire oublier que derrière ce faux-semblant populaire se cache un bon vieux poujadisme réactionnaire.

Au moment où certains se servent de la chanson pour insulter les travailleurs et leurs luttes et où d’autres, comme le groupe Trust (qui porte bien son nom) mettent en musique les textes de Mesrine, il est décidément nécessaire et juste que les communistes interviennent de manière critique et sans complaisance sur cette question qui concerne des milliers de jeunes, d’hommes et de femmes dans leur vie quotidienne.

Oui, il est urgent de réagir pour que cette nouvelle forme de show-business qui s’engraisse sur le désespoir et le rejet de la société en général cesse d’exercer son despotisme pour laisser un peu de place à des centaines de jeunes talents pour qui l’avenir est autre chose que « le zinc d’un bistrot des plus cradingues » (1).


(1) Parole d’une des chansons de Renaud.

  

Source : Le Monde