(NDLR : Message de Renaud s’adressant aux chefs d’Etat du G7, à quelques semaines du Bicentenaire de la Révolution se tenant à Paris.)
Publié le 30 juin 1989 à 00h00 – Mis à jour le 30 juin 1989 à 00h00
Seigneurs de guerre, saigneur des peuples qui allez vous réunir bientôt à Paris, je ne vous souhaite pas la bienvenue. Votre présence dans ma ville va me gâcher mon 14-juillet. Non pas que je prenne plaisir à festoyer ce jour-là avec mon beauf’ en célébrant des idéaux vieux de deux siècles que l’on n’a cessé de bafouer depuis, j’ai une sainte horreur des fêtes d’Etat quand elles sont prétexte à défilés militaires, à déploiement de drapeaux, à consensus autour d’une bière ou d’un discours pompeux, mais ce 14 juillet 1989 avait quelque chose de symbolique que votre présence va salir. Mon petit bal des pompiers est à l’eau, merci, bravo !
Tant pis, tant mieux ! Nous ferons la fête une semaine plus tôt. Et, puisque cette année nous devions célébrer les sans-culotte d’hier dont vous osez revendiquer l’héritage, eh bien nous fêterons ceux d’aujourd’hui : les sans-pain, les sans-travail, les sans-joie, les sans-espoir, les sans-lumière. Ceux là n’existent pas que dans nos mémoires ou dans les livres d’histoire. Ils SONT l’histoire d’aujourd’hui, ils sont les victimes de votre système, de vos lois, de votre impérialisme économique, de la dette et de l’apartheid. Et ils vous accusent.
Ils meurent au Sahel ou en Kanaky, dans la forêt amazonienne ou dans les townships de Johannesburg, dans les prisons d’Ulster, dans les boues d’Almeiria, dans les émeutes de la faim à Alger, Caracas, à Buenos Aires, sous les chenilles des chars à Pékin, sous les gaz chimiques au Kurdistan. Ils sont kanaks, africains, kurdes, indiens, haitiens, palestiniens, amérindiens, ils vivent dans des camps au Soudan, au Cambodge en Palestine, dans des bidonvilles à Kinshasa, à Rio, à Soweto, ils sont des centaines de millions sur cette planète bleue, vous serez sept à Paris.
Ils n’ont plus la parole, nous la leur rendrons. Nous chanterons la Révolution à venir pendant que vous croirez commémorer celle passée, sans même réaliser à quel point votre Sommet l’insulte.
Nous crierons « Dette, apartheid, colonies, ça suffat comme ci » pendant que vous ferez vos comptes jusqu’au jour où les damnés de la terre vous en demanderont !
Source : Le Monde