Le chanteur, âgé de 82 ans, est mort vendredi d’un arrêt cardiaque à son domicile parisien. Parmi ses chansons mythiques figurent « Le Barbier de Belleville », « Les Loups », « Sarah » ou encore « Le Déserteur ». Cette mort survient au lendemain de celle de Sacha Distel.
Le regard aigu planté tout au fond de l’arcade sourcilière, les traits burinés sous les cheveux sombres, le visage du plus petit par la taille des plus grands artistes français était pétri de ténacité silencieuse autant que d’incommensurable tendresse, l’ironie en plus. Serge Reggiani affichait le caractère plutôt taciturne et secret de ses personnages à l’écran ou au théâtre. Mais l’ « Arlequin d’Emilie » savait dire la vie dans ses chansons.
Né le 22 mai 1922 près de Parme, dans le nord de l’Italie, Serge Reggiani arrive très tôt en France, où il vit la jeunesse d’un adolescent de temps de guerre. Ses études terminées, il tente une carrière de comédien, un peu par hasard, beaucoup par curiosité.
Faisant un peu de figuration, travaillant danse et acrobatie, le jeune homme indécis prend goût au milieu et entre au Conservatoire de Paris. Dans le même temps, il débute au Théâtre des Noctambules dans « Le Loup-Garou » (de Roger Vitrac), sous la direction de Raymond Rouleau. Deux ans plus tard, il aborde le cinéma avec le film de Louis Daquin, « Le Voyageur de la Toussaint ».
En vingt ans, il jouera ainsi dans plus de quinze pièces et une cinquantaine de films.
Et puis, c’est la trêve méridionale: avec sa femme et ses enfants, le héros des « Portes de la Nuit » (Marcel Carné) ou de « Casque d’Or » (Jacques Becker) quitte Paris pour Mougins, près de Cannes (Alpes-Maritimes). Loin de rompre avec le métier, il l’exerce désormais à sa guise.
Triomphe
D’autant qu’en 1967, le comédien se lance dans la chanson après avoir rencontré Jacques Canetti et Barbara, les deux principaux incitateurs de son entrée en scène. Trouvant un nouveau succès et un nouveau public, Serge Reggiani séduit par l’intensité particulière qu’il met dans ses interprétations. C’est alors « Le petit garçon » (Jean-Loup Dabadie), « Sarah » (Georges Moustaki), « Le Barbier de Belleville », « Les Loups ». Il chante Boris Vian (« Le déserteur »), Rimbaud, Prévert, Baudelaire… et triomphe à Bobino.
En 1991, Serge avait fêté ses 25 ans de chanson sur la scène de l’Olympia, alors qu’il venait de sortir un nouvel album, « Reggiani 91 ». Dans cet opus, Serge Reggiani avait écrit certains textes, dont l’un d’eux évoquait son amour pour la peinture: « Je peins ma vie » qui « n’a pas eu le talent de me donner l’œil de Renoir. Alors, je vais de mon pas lent sur les chemins creux de mon purgatoire (…) J’arlequine mes tourments ».
Une façon de poser des couleurs sur la toile pour celui qui ne vécut jamais de passions sans excès.
Héritage
En 1993, il fête ses 70 ans avec un album de circonstance, « 70 balais », et monte sur scène au Palais des Congrès, à Paris, et aux Francofolies de La Rochelle. Deux ans plus tard, il sort un nouvel album, « Reggiani 95 », et un livre intitulé « Dernier courrier avant la nuit ». Parallèlement à la chanson, l’artiste s’adonne en effet à l’écriture, mais aussi à la peinture et à la sculpture. Il expose notamment en 1997 à la galerie Vekava à Paris.
En 2000, il publie un album qui ressemble à un testament, « Enfants, soyez meilleurs que nous ». Deux ans plus tard, pour ses 80 ans, de nombreux chanteurs, parmi lesquels Patrick Bruel, Enrico Macias, Bernard Lavilliers, Renaud, Jane Birkin, Bénabar ou encore Sanseverino lui rendent hommage avec le disque « Autour de Serge Reggiani ».
L’artiste avait eu deux enfants d’une première union avec Janine Darcey, Stephan et Carine, et trois autres en secondes noces avec Annie Noël, Maria-Celia, Simon et Mario. Il s’était remarié en 2003 avec Noëlle Adam-Chaplin. AP
Source : Le Nouvel Obs