Télévision : Génération Renaud

Le Monde

UNE ABONNÉS

Par Dominique Dhombres

Publié le 17 décembre 2002 à 11h46, modifié le 17 décembre 2002 à 11h46

C’est l’histoire d’un mec de 50 balais qui est un peu revenu de tout. C’est la vie de Renaud Séchan. Un gars plutôt sympa, que l’auteur de ces lignes a souvent aperçu de loin, invariablement assis seul devant un verre, toujours à la même place, à la Closerie des lilas. C’est l’histoire de Dr Renaud vainqueur de Mr Renard. Une fois n’est pas coutume, et l’encensoir est un instrument à manier avec précaution, mais on y va quand même.

Renaud, le rouge et le noir, le film d’Eric Guéret et Didier Varrod que vous avez sûrement vu lundi soir sur France 3, est le meilleur portrait d’artiste qu’on ait montré à la télévision depuis longtemps. Evidemment, pour ceux qui ont atteint et même dépassé la cinquantaine, Renaud est leur miroir. Il est leur double – hypocrite téléspectateur quinquagénaire –, leur semblable, leur frère ! Renaud, fils prodigue d’une famille intellectuelle de gauche, est né dans le 14e arrondissement de Paris. Il a eu une enfance heureuse, une maman très jolie, un père intelligent et gentil, des frères et sœurs super, un jumeau. Pourquoi diable s’est-il révolté, comme toute sa génération d’ailleurs ? Dans son cas, c’est peut-être parce que c’était trop bien. Il s’est donc rêvé une vie de voyou, à cause des chansons de Bruant et Brassens qu’il écoutait petit, et s’est construit ce look de loubard, avec bandana, Perfecto, santiags, et le reste. Le jean serré et le blouson de cuir clouté lui allaient bien. Il aimait la banlieue, l’anarchie, tout ça. Il n’a jamais menti. Il a toujours dit qu’il n’était pas né chez les loubards mais près de Denfert. Mais ce rêve est devenu sa vie. Et toute la banlieue s’est reconnue, et c’est encore vrai aujourd’hui, dans Il est blême, mon HLM. Quand sa fille est née, en 1980, il a écrit très vite Mistral gagnant, qui parle de son enfance. Les pères redécouvrent toujours leur enfance dans ces moments-là. Il est devenu très célèbre, il a voté pour « Tonton », comme nous l’avons fait tous.

Maintenant, il vote écolo à chaque scrutin. Il a bu quelques verres. Sa femme l’a quitté. Il a été salement déprimé. Il s’est remis debout et au régime sec. Boucan d’enfer fait un tabac. « Les blessures les plus profondes ne sont pas guéries par les ventes de disques », dit-il avec la voix qui se brise. Il se regarde sur l’écran, et voit défiler sa vie. C’est la nôtre.

Le Monde

  

Sources : Le Monde et Le HLM des fans de Renaud