Tendre rebelle

Nous Deux

2 février 2000

Éternel jeune homme de 47 ans, Renaud s’apprête à fêter ses vingt-cinq années de carrière. D’une discrétion exemplaire, il n’est pas près de changer !

RENAUD L’ÉMOTIF
Cet inconditionnel de Brassens cache sa grande sensibilité derrière des lunettes noires et l’exprime sur scène, ici, en 1996, à l’Olympia, à Paris.

Avec sa guitare et un piano, Renaud est actuellement en tournée dans toute la France. Aucun concert à Paris, pas de télé ni de presse, pourtant il fait salle comble ! Puisant depuis toujours dans la vraie vie la matière de ses textes, Renaud a tracé un sillon à part dans la chanson. Portrait d’un chanteur exemplaire.

Des parents que tout sépare

Solange, sa maman, est fille d’un mineur de Lens, fervent militant communiste et syndicaliste. Olivier, son papa, vient d’une famille d’intellectuels protestant de Montpellier. Pendant que l’une se tue à l’usine, l’autre écrit des romans policiers pour la Bibliothèque rose. Le gars du Sud et la fille du Nord se rejoignent à mi-chemin, à Paris, pour fonder leur petite famille. Trois filles et un garçon qui, le 11 mai 1952 vont accueillir les jumeaux David et Renaud. Solange cesse de travailler pour se consacrer à sa maisonnée.

Tout petit, déjà, il fait son cinéma

Renaud et David Séchan n’ont que 4 ans lorsque leur oncle, Edmond Séchan, directeur de la photographie, les fait engager pour figurer dans Le Ballon rouge, d’Albert Lamorisse. A l’adolescence, Renaud prend des cours de théâtre et multiplie les figurations dans quelques téléfilms. Il jouera ainsi le petit-fils du duc de Plessis-Vaudreuil dans le feuilleton Au plaisir de Dieu avant de faire ses premiers pas sur scène au Café de la Gare, où il rencontre Coluche. Les deux hommes ne se quitteront plus. Et Renaud, si discret, répondra toujours présent aux Restos du cœur.

Un vrai Robin des Bois

C’est en 1974 que la vraie aventure artistique de Renaud commence. Il entonne le couplet Société, tu m’auras pas de sa chanson Hexagone et donne le ton. Les jeunes ont trouvé leur hymne. Renaud est avant tout un homme libre et le revendique. « Je continue à me battre contre l’injustice, la bêtise, la haine, le mépris de l’environnement, et je signe toujours des pétitions contre la disparition des ours ou pour la libération de certains prisonniers politiques », lancera vingt ans plus tard le chanteur, qui n’a rien perdu de ses premières révoltes.

Son look « populaire » fait craquer les ados

Avec le succès de Laisse béton, en 1977, celui de Ma gonzesse et de Marche à l’ombre, en 1979, Renaud devient, guitare sous le bras, le chanteur contestataire de la nouvelle génération. Les jeunes reprennent sa dégaine de titi de Paname. Jeans déchiré, Perfecto de cuir, bandana rouge, jambes arquées et santiags, c’est le Renaud qu’on aime et il ne changera plus. Pourtant, il lui aura fallu une bonne quinzaine d’années pour avoir confiance en lui. Il se jugeait au départ trop nunuche, avait honte de ses « guiboles tordues », de ses cheveux « jaunes » et de ses yeux cernés !

RENAUD L’INSOUMIS
Vêtu de son éternel blouson noir, Renaud affiche, aujourd’hui encore, le look contestataire qui avait séduit la génération des années 70.

Tout l’amour du monde pour Lolita

Quand Dominique lui annonce qu’elle attend un bébé, Renaud est comme sous le choc. Lolita pointe son nez et d’un coup, l’existence du papa loubard trouve son sens. Renaud se lève tôt, devient moins agressif. Aux sorties entre potes, il préfère désormais la chaleur du foyer. Après les chansons engagées, le temps de la tendresse est venu, il écrit Morgane de toi, une déclaration d’amour à sa fille. Lolita grandit et Renaud est fier de dire qu’elle lui ressemble.

« Elle sait que le monde tourne assez mal et elle est quasiment plus anar que moi », confie, attendri, le chanteur.

De la sueur et des larmes pour Germinal

Jusqu’alors, Renaud avait refusé toutes les propositions de cinéma. Mais son pote Vincent Lindon le persuade d’accepter le rôle de Lantier dans Germinal, de Claude Berri. En ce jour froid de 1992, quand débute à Valenciennes le difficile tournage du film tiré du roman de Zola, Renaud retrouve avec émotion ses racines de ch’timi. Il va jusqu’au bout et, les larmes aux yeux, il reçoit quelques mois après la médaille du Syndicat des travailleurs de la Terre de la ville de Lens. En silence, il pense à son papy qui, lui, n’a jamais reçu de récompense.

Le bonheur à l’ombre de la Belle de Mai

Après avoir rapporté du Nord un disque de chansons ch’timi, Renaud renoue avec ses origines de gars du Sud. Quatre mois par an, le chanteur vit non loin de Marseille. Ses potes ont l’accent du soleil, boivent le pastaga et jouent à la pétanque. Grâce à eux, il découvre la Belle de Mai, cet ancien quartier chaud, populaire et communiste, qui avait, jadis, ses filles de joie et ses voyous. un nouveau disque va naître.

Avec lui, c’est la fête à la maison

S’enfermer dans un studio d’enregistrement ne convient guère à Renaud. Aussi a-t-il opté pour une formule plus conviviale : le travail à domicile, pour la grande joie de sa femme, Dominique. Tandis que les guitaristes occupent le bureau, le percussionniste, la salle de bain et le pianiste, le couloir, Renaud réquisitionne les toilettes. « Une acoustique de rêve», assure-t-il en professionnel. Des toilettes où il accroche les disques d’or, une manie chipée à son ami Coluche.

Brassens, l’idole de toujours

A 4 ans, il fredonne déjà les chansons de Brassens et, quand il en a 8, il se rend chez le maître pour lui demander un autographe. Plus tard, en 1977, Renaud, jeune vedette, rencontre son idole sur un plateau télé. « Vos chansons sont merveilleusement construites », le complimente le poète. Renaud, oubliant ses hésitations, se lance et enregistre Chante Brassens.

Celui qui n’a pas de nom

Aujourd’hui, à 47 ans, Renaud n’a rien perdu de son âme d’enfant et il repart à la rencontre de son public. L’occasion de promener ses douces complaintes mais aussi ses deux nouvelles créations, Elle a vu le loup, et surtout, Boucan d’enfer, un texte émouvant qui fait allusion à sa rupture avec Dominique, sa femme pendant plus de vingt ans… Si, au hasard des routes, vous croisez un homme discret au regard azur chantant avec son cœur ses révoltes et sa tendresse, rappelez-vous simplement son prénom : Renaud.

David Lelait


Pour mieux le connaître
Nom : Séchan. Prénom : Renaud
Né le : 11 mai 1952, à Paris. Il adore : sa fille, Lolita, la campagne, la discrétion.
Il déteste : les caméras, les interviews et parler quand il n’a rien à dire !
Où lui écrire ? Virgin, 11, place des Vosges, 75004 Paris.

RENAUD L’AFFECTUEUX
Séparé de sa femme, Dominique, il reste très attaché à sa fille, Lolita, âgée de 19 ans.
Avec son jumeaux, David, il est le cadet d’une famille de six enfants. En haut, à droite, il est avec l’un de ses frères, Thierry.

  

  

Source : Le HLM des Fans de Renaud