N° 2971, du 11 au 17 juin 2002
L’auteur de Mistral gagnant a un frère. Et lorsque l’un chante, l’autre écrit.
Enfin Renaud nous revient avec Boucan d’enfer, un superbe album. Que s’est-il passé ? Où se cachait-il ? Son frère et complice, Thierry Séchan, lui consacre un livre, Renaud : bouquin d’enfer, sorti aux Editions du Rocher : il y raconte avec brio le chemin suivi par un artiste que ses fans n’ont jamais oublié, malgré une longue absence. Et il répond – en vrai frangin – à nos questions, avec une franchise émouvante…
Ici Paris: Il faut remonter à 1994 pour retrouver Renaud auteur, avec A la belle de mai. Son retour, après huit années de silence, est-ce une renaissance ?
Thierry Séchan : On traverse tous un jour ou l’autre une période de dépression. C’est ce qui s’est passé avec Renaud. Parfois, il arrive que la vie soit bruyante, que le fleuve s’agite et devienne violent. Et comme avec mon frangin, un malheur n’arrive jamais seul… Dominique, sa femme, est partie et ça a fait du bruit. Un boucan d’enfer, quoi.
I. P. : Vous êtes très proche de votre frère…
T. S. : Oui. J’habite d’ailleurs chez lui.
I.P. : La dépression de Renaud l’a-t-il entraîné vers certains excès ?
T. S. : Qui n’est pas tombé un jour dans un verre, puis deux, puis trois ? Il ne faut avoir honte de rien. Renaud a toujours bien aimé les bistrots, et il les a toujours bien chantés.
I. P. : Beaucoup de personnes pensent que vous êtes le jumeau de Renaud.
T. S. : Ce n’est pas moi, c’est David. Je ressemble aux deux. Je me bats pour les protéger et vice-versa. Il est vrai que Renaud et moi sommes très proches. Physiquement, d’abord. Mais nous avons aussi la même sensibilité, la même fragilité ainsi que le même plaisir d’écrire.
I.P. : Quel est le plus beau souvenir que vous avez de votre frère ?
T. S. : Lorsque nous étions enfants, nous allions jouer dans des cabanes. Renaud était très malin (il l’est toujours d’ailleurs) et prenait des risques incroyables. Il me faisait peur. J’étais le grand frère.
I.P. : Quelle jeunesse avez-vous eu ?
T.S. : « On est de son enfance comme on est d’un pays » a écrit Saint-Exupéry. La nôtre a été heureuse. De vrais gamins de Paris élevés près de la Porte d’Orléans, dans le quatorzième arrondissement de la capitale. Nous habitions une maison rose jouxtant le pavillon chinois de la Cité universitaire.
C’était le début des années 50, la vie était belle. Il y avait l’école, la bande à David et à Renaud, ma bande, et surtout le temps béni des vacances.
I. P. : Où alliez-vous pendant les vacances ?
T. S. : Nous partions à huit dans la 203 de mon père ! La Côte d’Azur et les sports d’hiver, ça n’était pas pour les Séchan. Nous, nous roulions vers nos Cévennes protestantes. Cette enfance résonne encore de nos cris, de nos disputes (mes parents avaient 6 bouches à nourrir !), mais aussi de la machine à écrire de notre père, ainsi que de son piano lorsqu’il jouait de Mendelssohn. Dans la famille, on est piano. Notre grand-mère paternelle, Isabelle, en jouait beaucoup.
A 91 ans, notre père en joue encore. Christine et Nelly, nos deux sœurs aînées, sont également des virtuoses…
I. P. : L’adolescence de Renaud a-t-elle été calme ?
T. S. : Ma mère ne lui a cassé qu’un manche à balai sur le dos, et mon père une guitare bon marché. Pour la petite histoire, c’est sa mère – tiens, c’est aussi la mienne ! – qui répond au courrier de ses admirateurs. Elle est restée très belle et c’est un grand écrivain.
I.P. : Vous êtes très famille ?
T. S. : Le dimanche était le jour des gâteaux. Pour le frangin, c’était un flan ; pour moi une tête-de-nègre. S’ensuivait la promenade au parc Montsouris, les cygnes, les chevaux à bascule etc…. Les temps ont bien changés, mais chaque dimanche, les enfants, petits enfants, arrières petits enfants Séchan se retrouvent chez nos parents, qui n’ont jamais quitté le XIVe arrondissement !
I.P. : La famille Séchan est un clan ?
T. S. : Oui, et fière de l’être pour encore de nombreuses générations.
Propos recueillis par Catherine MONBREAULT
Source : Le HLM des fans de Renaud