Tout Renaud en 20 CD et un petit livre rouge

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Publié le 29 décembre 2003 à 12h03, modifié le 29 décembre 2003 à 12h03

Ayant déjà attribué dans ces colonnes la palme de l’excellence à L’Eternel féminin, la (presque) intégrale de Juliette Gréco (Le Monde du 15 décembre), nous nous attacherons ici à décrire son contraire : Le Roman de Renaud, intégrale des albums de l’auteur de Manhattan Kaboul – puisque c’est pour ce titre, chanté en duo avec Axelle Red, que beaucoup ont chéri Renaud en 2002 et 2003. L’Eternel féminin de Gréco est un objet pensé, conçu comme un livre d’art, avec ses 20 CD sous pochettes originales, des photographies magnifiques, des inédits. Si L’Eternel féminin apparaît ainsi comme un cadeau constant, Le Roman de Renaud, lui, est un truc de gamin.

En bloc, dans une jolie boîte rouge, voici les 20 CD de la carrière du renard de bitume jusqu’au double album Tournée d’enfer, tout juste paru. A l’intérieur, un petit livre rouge, à dénouer, à déplier, en forme d’étoile, dont le Musée des arts modestes de Sète ferait ses délices. Avec un vague tracé de carrière, les dates de parution des disques, les titres enquillés et basta. Renaud aurait-il mérité mieux ? Oui, Renaud mérite mieux en général. Même si cette nouvelle intégrale (la première remonte à dix ans et n’est plus disponible) rend au chanteur ses talents, lui permet de sortir du dramatique enfermement de l’image (plaqué par sa femme, alcoolique enfin sauvé des bouteilles).

Fait, défait ou surfait, Renaud n’en est pas moins le héros de Laisse béton, d’Hexagone (chanson parue en 1975 sur Amoureux de Paname, hymne pro-urbain et anti-écolo). En 1975, la guillotine fonctionnait encore, et « le roi des cons sur son trône, chantait Renaud, j’parirais pas qu’il est allemand » dans Hexagone. Loin des « best of » mal ficelés auxquels Renaud Séchan a eu droit depuis qu’il a renoué avec le succès, après une longue période d’absence, le Roman ci-présent permet d’écouter avec délice des albums en entier, ancrés dans leur époque. La série A, d’Amoureux de Paname à Marche à l’ombre, ouvrages fondateurs de la causticité de l’individu ; la série B, du Retour de Gérard Lambert à Mistral gagnant (1985, avec Miss Maggie et changement de maison de disques, de Polydor à Virgin ; mais, pour le coffret, elles collaborent) ; la classe C, de Putain de camion à La Belle de mai (1994).

Dans les intervalles, Renaud glisse quelques pierres monumentales : Le P’tit Bal du samedi soir, enregistré à Bobino en 1980, où il reprend avec une voix certes plus éraillée que celle de Patrick Bruel, mais avec davantage de talent, des classiques popu avec Joe Baselli et son accordéon. Il y aura Renaud cante el’nord, en ch’timi, un disque (moyen) consacré à Brassens et, avant cela, la chanson Tonton, pour Mitterrand, en 1991. Et la suite, que l’on connaît : Boucan d’enfer porté par Manhattan Kaboul sur NRJ, que Renaud – auteur d’Où c’est qu’j’ai mis mon flingue en 1980 (sur Marche à l’ombre, sans doute son opus le plus riche, mais là ça se discute) – remerciera pâteusement à la télévision dans sa nouvelle vie. Sans avoir changé ? Le Renaud de toujours ?

Véronique Mortaigne

Le Roman de Renaud, l’intégrale, 1 coffret de 20 CD, édition limitée, Virgin/EMI.

   

Source : Le Monde