Un boucan d’enfer pour Renaud

La Croix

Par COULET Valérie, le 31/10/2003 à 12h00

Depuis dimanche, ils passent toutes leurs journées sous une grande tente blanche, dans la cour de l’Espace Argence, à Troyes. Pendant les sept heures de répétitions quotidiennes, se relaient cinq chefs de chœur. Aux personnalités différentes. Mais tous aussi exigeants. Les amateurs « jouent merveilleusement bien le jeu », assure Sylvain Tardy, directeur musical et artistique de « Chanson contemporaine », l’association qui gère ce Grand choral fort, cette année, de… 860 voix. Ces passionnés de chant n’ont qu’une idée : progresser, donner le meilleur d’eux-mêmes. Pour le plaisir de vivre une belle aventure. Et d’offrir un spectacle de qualité à Renaud, invité d’honneur de cette 16e édition des « Nuits de Champagne ».

Sans relâche, ils répètent 20 titres de l’artiste « recolorés » par de nouveaux arrangements vocaux et instrumentaux. « Parfois, nous revoyons certains couplets dans nos chambres d’hôtels ou les dortoirs des collèges où nous logeons pendant la semaine », raconte Maurie. Cette enseignante de la région parisienne est une habituée du Grand choral. « L’ambiance est extraordinaire. Nous partageons de vrais moments de bonheur, s’enthousiasme-t-elle. L’émotion est décuplée. Parce que nous sommes plus de 800. Parce que nous nous laissons, aussi, porter par la magie de la musique et des rencontres. » Cette alto confie que le chant résonne au plus profond d’elle-même et qu’il a déjà fait office de thérapie. « À la mort de mon père, qui adorait chanter, je me suis naturellement inscrite dans une chorale, alors que je n’y avais jamais pensé auparavant. Je me suis alors sentie plus proche de lui. »

« L’émotion intimiste ne doit pas être gommée, mais décuplée »

À ses côtés, Éric, choriste à Troyes, voit dans le chant choral une « merveilleuse occasion de se livrer corps et âme », dans la mesure où l’on ne peut tricher. « Quand quelqu’un chante avec ses tripes, son visage s’embellit, dit-il. On arrive facilement à se donner. On se sent porté par les autres. » « En répétant les chansons de Renaud, j’ai l’impression de redécouvrir l’univers de l’artiste et de mieux le comprendre », commente une autre choriste. Comme les centaines d’autres chanteurs, elle avait reçu, environ un mois avant son arrivée à Troyes, un CD avec sa voix pour chaque polyphonie. Un document de travail préparé par l’association Chanson contemporaine qui permet de préparer au mieux les participants. « La semaine de stage à Troyes nous coûte 338 Euro, hébergement non compris. Nous ne sommes donc pas là pour nous amuser. Il faut bûcher ! », lance dans un large sourire une étudiante en musicologie. « Ces Nuits de Champagne représentent une superbe parenthèse, assure-t-elle. Elles m’offrent une bouffée de bonheur et me confortent dans l’idée que je veux travailler dans le milieu musical. »

Les titres ont été sélectionnés par Sylvain Tardif. Son souci était de choisir des chansons qui puissent s’adapter au chant choral, tout en retraçant le plus fidèlement possible la carrière de l’auteur. « Renaud n’est pas un chanteur à voix. Or, il a des mélodies très fortes que j’ai essayé, avec des arrangements spécifiques, de mettre en lumière », explique-t-il. Ce jeune chef de chœur (30 ans) avoue diriger avec un immense plaisir les 860 choristes avec lesquels il s’est très vite senti en « symbiose ». « Je me prends pour le capitaine d’un paquebot », plaisante-t-il, avant de préciser : « Je n’oublie jamais que ce n’est pas une masse de personnes qui chante mais 860 individualités. Pour des chansons comme Cœur perdu, l’émotion intimiste ne doit pas être gommée mais au contraire décuplée. »

Très proche de Renaud, le groupe corse I Muvrini interprétera demain, avec le Grand choral, un titre du chanteur rebelle qui préfère ne pas monter sur scène. Sans doute par peur d’être submergé par l’émotion. « C’est sûr, on aurait bien aimé que Renaud chante avec nous. Mais nous respectons son choix, d’autant que ce concert est avant tout un cadeau que nous voulons lui offrir », commente une choriste.

Valérie COULET

Renseignements au 03.25.40.02.03. Site Internet www.nuitsdechampagne.com

   

Source : La Croix